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SENTENCE contre des POURCEAUX et LETTRE DE GRÂCE à eux accordées

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Message par Dandolo Mar 13 Oct 2009, 14:02

Quasiment inclassable mais tellement savoureux...

SENTENCE contre des POURCEAUX
et LETTRE DE GRÂCE à eux accordées

(D'après « Curiosités historiques et judiciaires du Moyen Age.
Procès contre les animaux », paru en 1858 et un article paru en 1875)



Au Moyen Age, les porcs et les truies couraient en liberté dans les rues des villages, et il arrivait souvent qu'ils dévoraient des enfants ; alors on procédait directement contre ces animaux par voie criminelle. Voici quelle était la marche que suivait la procédure : on incarcérait l'animal, c'est-à-dire le délinquant, dans la prison du siège de la justice criminelle où devait être instruit le procès.

Le procureur ou promoteur des causes d'office, c'est-à-dire l'officier qui exerçait les fonctions du ministère public auprès de la justice seigneuriale, requérait la mise en accusation du coupable. Après l'audition des témoins et vu leurs dépositions affirmatives concernant le fait imputé à l'accusé, le promoteur faisait ses réquisitions, sur lesquelles le juge du lieu rendait une sentence déclarant l'animal coupable d'homicide, et le condamnait définitivement à être étranglé et pendu par les deux pieds de derrière à un chêne ou aux fourches patibulaires, suivant la coutume du pays.

Du treizième au seizième siècle, les fastes de la jurisprudence et de l'histoire fournissent de nombreux exemples sur l'usage de cette procédure suivie contre des pourceaux et des truies qui avaient dévoré des enfants, et qui, pour ce fait, étaient condamnés à être pendus. Nous mentionnerons à ce sujet les sentences et exécutions suivantes :

Armée 1266. Pourceau brûlé à Fontenay-aux-Roses, près de Paris, pour avoir dévoré un enfant.
Septembre 1394. Porc pendu à Mortaing, pour avoir tué un enfant de la paroisse de Roumaigne.
Année 1404. Trois porcs suppliciés à Rouvres, en Bourgogne, pour avoir tué un enfant dans son berceau.
17 juillet 1408. Porc pendu à Vaudreuil pour un fait de même nature, conformément à la sentence du bailli de Rouen et des consuls, prononcée aux assises de Pont-de-l'Arche tenues le 13 du même mois.
24 décembre 1414. Petit pourceau traîné et pendu par les jambes de derrière, pour meurtre d'un enfant, suivant sentence du mayeur et des échevins d'Abbeville.
14 février 1418. Autre pourceau coupable du même fait et pendu de la même manière, en vertu d'une sentence du mayeur et des échevins d'Abbeville.
Vers 1456. Porc pendu en Bourgogne pour une cause semblable.
10 janvier 1457. Truie pendue à Savigny pour meurtre d'un enfant âgé de cinq ans.
Année 1473. Pourceau pendu à Beaune par jugement du prévôt
Le cochon
Le cochon
de cette ville, pour avoir mangé un enfant dans son berceau.
10 avril 1490. Pourceau pendu pour avoir meurdri (tué) ung enffans en son bers (berceau). Le Livre rouge d'Abbeville, qui mentionne ce fait, ajoute que la sentence du maire d'Abbeville fut prononcée par ce magistrat sur les plombs de l'eschevinage, au son des cloches, le 10eme jour d'avril 1490.
14 juin 1494. Sentence du grand mayeur de Saint-Martin de Laon qui condamne un pourceau à être pendu pour avoir defacié et étranglé un jeune enfant dans son berceau.
Année 1497. Truie condamnée à être assommée pour avoir mangé le menton d'un enfant du village de Charonne. La sentence ordonna en outre que les chairs de cette truie seraient coupées et jetées aux chiens ; que le propriétaire et sa femme feraient le pèlerinage de Notre-Dame de Pontoise, où étant le jour de la Pentecôte, ils crieraient : Merci ! de quoi ils rapportèrent un certificat.
18 avril 1499. Sentence qui condamne un porc à être pendu, à Sèves, près de Chartres, pour avoir donné la mort à un jeune enfant.
Année 1540. Pourceau pendu à Brochon, en Bourgogne, pour un fait semblable, suivant sentence rendue en la justice des chartreux de Dijon.
20 mai 1572. Sentence du maire et ces échevins de Nancy qui condamne un porc à être étranglé et pendu pour avoir dévoré un enfant à Moyen-Moutier.

Les jugements et arrêts en cette matière étaient mûrement délibérés et gravement prononcés ; voyez ce passage d'une sentence rendue par le juge de Savigny, le 10 janvier 1457 ; il s'agit d'une truie :

« C'est assavoir que pour la partie dudit demandeur, avons cité, requis instamment en cette cause, en présence dudit défendeur présent et non contredisant, pourquoi nous, juge, avons dit, savoir faisons à tous que nous avons procédé et donné notre sentence définitive en la manière qui suit ; c'est assavoir que veu le cas est tel comme a esté proposé pour la partie du dit demandeur et duquel appert à suffisance, tant par tesmoing que autrement dehuement hue. Aussi conseil avec saiges et praticiens et aussi concidérer en ce cas l'usage et couslume du païs de Bourgoigne, aiant Dieu devant les yeulx, nous disons et prononçons pour notre sentence définitive et à droit et à icelle notre dicte sentence, déclarons la truie de Jean Bailli, alias Valot, pour raison du multre et homicide par icelle truie commis... estre pendue par les pieds du derrière à un arbre esproné, etc. »

L'exécution était publique et solennelle ; quelquefois l'animal paraissait babillé en homme. En 1386 une sentence du juge de Falaise condamna une truie à être mutilée à la jambe et à la tête, et successivement pendue pour avoir déchiré au visage et au bras et tué un enfant. On voulut infliger à l'animal la peine du talion. Cette truie fut exécutée sur la place de la ville, en habit d'homme ; l'exécution coûta dix sous dix deniers tournois, plus un gant neuf à l'exécuteur des hautes œuvres. L'auteur de l'Histoire du duché de Valois, qui rapporte le même fait, ajoute que ce gant est porté sur la note des frais et dépens pour une somme de six sous tournois, et que dans la quittance donnée au comte de Falaise par le bourreau, ce dernier y déclare qu'il s'y tient pour « content et qu'il en quitte le roi notre sire et ledit vicomte ». Voilà une truie condamnée bien juridiquement !

Nous trouvons aussi dans un compte du 15 mars 1403 les détails suivants sur la dépense faite à l'occasion du supplice d'une truie, qui fut condamnée à être pendue à Meulan pour avoir dévoré un enfant. Un compte de 1479, de la municipalité d'Abbeville, nous apprend qu'un pourceau également condamné pour meurtre d'un enfant fut conduit au supplice dans une charrette ; que les sergents à masse l'escortèrent jusqu'à la potence, et que le bourreau reçut soixante sous pour sa peine. Pour une semblable exécution faite en 1435 à Tronchères, village de Bourgogne, le carnacier (le bourreau) reçut également une somme de soixante sous. Les formalités étaient si bien observées dans ces sortes de procédures, que l'on trouve au dossier de l'affaire du 18 avril 1499, ci-dessus mentionnée, jusqu'au procès-verbal de la signification faite au pourceau dans la prison où l'on déposait les condamnés avant d'être conduits au lieu d'exécution.

On trouve assez fréquemment dans les archives de Bourgogne la mention de procès criminels intentés, en vertu de la loi de Moïse, à des animaux accusés de meurtre, de maléfices, etc. Beaucoup de ces faits, cités par Courtépée, rappellent l'exécution des pourceaux coupables, par exemple, d'avoir mangé des enfants au berceau. Le même fait, au rapport de Lacroix, se produisit à Mâcon ; on l'a trouvé signalé dans les archives de la petite ville d'Is-sur-Tille. On peut rappeler aussi une question soumise par la mairie de Montbard à celle de Dijon, au sujet du mode de procédure à suivre contre un cheval qui avait tué un homme, ainsi que l'excommunication prononcée. au seizième siècle, à la requête de la ville de Dijon, contre les insectes destructeurs de la vigne.

Mais on n'exécutait pas toujours les animaux ainsi judiciairement condamnés : on leur accordait quelquefois des lettres de grâce ou de rémission. Un document de ce genre fut mis au jour dans une série de pièces produites en 1444 aux assises de Jussey, devant le bailli « d'Amont, au comté de Bourgogne », par le procureur du duc, qui en requérait une copie authentique pour le maintien de certains droits du souverain. Voici dans quelles circonstances ces lettres de grâce furent rendues :

Le 5 septembre 1379, comme Perrinot Muet, fils de Jean Muet, dit Hochebet, porcher commun de la petite ville de Jussey, aidait son père à remplir son office dans les pâturages de la commune, trois truies accourues au cri d'un pourceau se jetèrent sur lui, le renversèrent et le mordirent avec tant de fureur, que quand son père et le porcher du prieur, qui gardait son troupeau non loin de là, accoururent à la rescousse, il ne put que balbutier quelques paroles et expira tout aussitôt. Au bruit de l'événement, le prieur de Saint-Marcel-lez-Jussey, Humbert de Poutiers, seigneur haut justicier, ne voulut point laisser aux officiers du duc la connaissance de l'affaire ; il prescrivit au maire d'emprisonner les coupables, sans même en excepter son propre troupeau, qui, dans la bagarre, s'était mêlé à l'autre, et de commencer aussitôt leur procès.

Mais quand les deux troupeaux furent en fourrière, et qu'on eut ainsi donné cette première satisfaction à la vindicte publique, le prieur et la commune comprirent bientôt que leurs intérêts allaient se trouver singulièrement compromis, si, comme cela était à peu près certain, le procès aboutissait à une exécution capitale. En effet, tout animal supplicié était considéré comme impur, et par conséquent indigne de servir à l'alimentation publique : aussi, quand on ne le brûlait pas, devait-il être immédiatement enfoui. Le pauvre porcher avait bien désigné en mourant les trois truies comme ses meurtrières ; mais la justice ducale, toujours prompte à intervenir dans les affaires des juridictions inférieures, admettrait-elle ce suprême témoignage, et ne considérerait-elle pas les deux troupeaux comme complices ?

Le cas était douteux. Or, comme il n'y avait point un instant à perdre, Humbert de Poitiers courut à Montbard, où le duc Philippe le Hardi se trouvait alors ; il parvint jusqu'au prince, auquel il exposa que s'il avait cru devoir faire incarcérer les deux troupeaux, il n'y avait de réellement coupables que les trois truies ; que quant au sien propre, on ne pouvait que lui reprocher de s'être mêlé à celui de la commune. Le duc « oye sa supplication », et inclinant à sa requête, voulut bien y acquiescer. En conséquence, il manda aussitôt au bailli du comté de Bourgogne que, moyennant l'exécution des trois truies et d'un des pourceaux du prieur, il consentait « à la mise du demeurant des troupeaux en délivre, nonobstant qu'ils eussent esté à la mort du porcher ».
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