Livre VIII, traitant des animaux terrestre
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Livre VIII, traitant des animaux terrestre
LIVRE VIII
TRAITANT DE LA NATURE DES ANIMAUX TERRESTRES.
I. Des éléphants; de leur intelligence.
TRAITANT DE LA NATURE DES ANIMAUX TERRESTRES.
I. Des éléphants; de leur intelligence.
[1] Passons aux autres animaux, et parlons d'abord des animaux terrestres. L'éléphant est le plus grand, et celui dont l'intelligence se rapproche le plus de celle de l'homme; car il comprend le langage du lieu où il habite; il obéit aux commandements; il se souvient de ce qu'on lui a enseigné à faire; il éprouve la passion de l'amour et de la gloire; il possède, à un degré rare même chez l'homme, l'honnêteté, la prudence, la justice; il a aussi un sentiment religieux pour les astres, et il honore le soleil et la lune.
[2] Des auteurs rapportent que, dans les forêts de la Mauritanie, des troupeaux d'éléphants descendent sur le bord d'un fleuve nommé Amilas, aux rayons de la nouvelle lune: que là, se purifiant, ils s'aspergent solennellement avec l'eau; et qu'après avoir ainsi salué l'astre ils rentrent dans les bois, portant avec leur trompe les petits fatigués. Ils comprennent même la religion des autres ; et l'on croit que, près de traverser la mer, ils ne s'embarquent qu'après que leur cornac leur a promis per serment la retour.
[3] On en a vu qui, accablés par la maladie (les maladies n'épargnent pas même ces masses énormes), jetaient, couchés sur le dos, des herbes vers le ciel, comme s'ils appelaient la terre en témoignage dans leurs prières. Quant à la docilité, ils adorent le roi, fléchissent le genou, présentent des couronnes. Les Indiens emploient au labourage (VI, 22) des éléphants plus petits, qu'on appelle bâtards.
II. Quand attelés pour la première fois.
(II.) [1] Les premiers éléphants attelés qu'on ait vus à Rome sont ceux qui traînèrent le char du grand Pompée, triomphant de l'Afrique. On dit qu'anciennement Bacchus, triomphant de l'Inde vaincue, avait employé un pareil attelage. Procilius rapporte que dans le triomphe de Pompée les éléphants ne purent passer attelés par la porte de la ville. Dans les combats de gladiateurs que donna Germanicus, les éléphants exécutèrent des mouvements grossiers ressemblant à une sorte de danse; leurs exercices ordinaires étaient de jeter dans les airs des armes que les vents ne pouvaient détourner, de figurer entre eux des attaques de gladiateurs, et de se livrer aux ébats folâtres de la pyrrhique; puis ils marchèrent sur la corde tendue; quatre éléphants en portaient dans une litière un cinquième représentant une nouvelle accouchée; et dans des salles pleines de peuple ils allèrent prendre place à table, en marchant à travers les lits avec tant de ménagement qu'ils ne touchèrent aucun des buveur.
III. De leur docilité
(III.) [1] Un éléphant, d'une intelligence trop lente à retenir ce qu'on lui enseignait, ayant été plusieurs fois fustigé, fut trouvé (c'est un fait certain) répétant la nuit sa leçon. Il est très curieux de les voir aller de bas en haut sur des cordes ; mais ce qui l'est encore davantage, c'est de les voir aller de haut en bas. Mucianus, trois fois consul, rapporte qu'on éléphant avait appris à tracer les caractères grecs, et qu'on lui faisait écrire en cette langue ces mots-ci : "C'est moi qui a écrit ces mots et consacré les dépouilles celtiques." Le même auteur dit avoir été témoin oculaire du fait suivant : A Putéoles, des éléphants qu'on avait amenés par mer, et qu'on forçait à débarquer, effrayés de la longueur du pont qui les séparait du rivage, allèrent à terre à reculons, pour ne pas voir l'étendue de l'intervalle qu'ils avaient à parcourir.
IV. Merveilles dans leurs actions.
[1] Les éléphants savent que les seules dépouilles qu'on recherche en eux sont leurs défenses, que Juba appelle des cornes, mais qu'Hérodote, bien plus ancien, et l'usage général, désignent sous le nom plus juste de dents : aussi quand ces dents tombent par quelque accident ou par l'effet de la vieillesse, ils les enfouissent. Les défenses seules sont de l'ivoire; au reste, la partie même des défenses qui est cachée dans les chairs n'est que de l'os, et n'a pas de valeur. Cependant, dans ces derniers temps, la pénurie de l'ivoire a fait qu'on s'est mis à couper les os en lames. En effet, il est rare qu'on trouve de grosses défenses, excepté dans l'Inde; dans notre partie du monde, tout l'ivoire qui s'y trouvait a été consommé par le luxe.
[2] La blancheur des défenses indique la jeunesse; les éléphants en ont un très grand soin ; ils ménagent la pointe d'une des deux, afin de l'avoir en état pour le combat; ils emploient l'autre pour leurs besoins, à arracher les racines, à mouvoir les corps pesants; entourés par les chasseurs, ils mettent en avant ceux qui ont les plus petites défenses, pour que l'ennemi s'imagine que le butin ne vaut pas le combat; puis, las de résister, ils les brisent contre un arbre, et payent ainsi leur rançon.
V. De l'instinct des bêtes pour comprendre les dangers qui les menacent.
(IV.) [1] Il est singulier que presque tous les animaux sachent pourquoi on les poursuit, et que tous (01) sachent ce dont lis doivent se garder. Un éléphant, rencontrant par hasard dans la solitude un homme qui n'est que voyageur, se montre clément et doux, et même, dit-on, lui indique le chemin; mais s'il aperçoit la trace d'un homme avant de voir l'homme même, il tremble de tous ses membres, de peur d'embûches; il flaire et s'arrête, il regarde autour de lui, il souffle avec colère, et il ne marche pas sur l'empreinte, mais il arrache la motte de terre qui la porte, il la donne au suivant, celui-ci à un autre, et ainsi de suite jusqu'au dernier; alors la bande tourne tête, revient sur ses pas et se range en bataille, tant l'odeur de cette empreinte due à des pieds qui, la plupart du temps, ne sont pas même nus, est persistante pour l'odorat de ces animaux.
[2] De même la tigresse, redoutable aux autres bêtes féroces, et qui ne tient aucun compte des traces de l'éléphant lui-même, déplace, dit-on, ses petits dés qu'elle a vu la trace d'un homme. Comment l'a-t-elle reconnue? où a-t-elle aperçu précédemment celui qu'elle redoute? Les forêts qu'elle habite sont fort peu fréquentées. Je veux bien que cette empreinte frappe les animaux par sa rareté; mais d'où savent-ils qu'il y a quelque danger? ou plutôt pourquoi redoutent-ils l'aspect de l'homme lui-même, eux qui l'emportent tant par la force, par la taille et par la rapidité? Telle est la loi de la nature et la puissance qu'elle exerce : les animaux les plus féroces et les plus grands, sans avoir jamais vu ce qui ils doivent craindre, comprennent sur-le-champ quand vient le moment de craindre.
[3] (V.) Les éléphants marchent toujours en troupe; le plus âgé conduit la bande, le plus âgé ensuite ferme la marche; quand ils passent une rivière, ils envoient devant les plus petits, de peur que les pieds des plus grands n'enfoncent le lit et n'augmentent la profondeur de l'eau. Antipater rapporte que le roi Antiochus avait deux éléphants de guerre, dont le nom même était célèbre. Les éléphants tiennent à ces distinctions; et Caton, qui n'a pas nommé les généraux dans ses Annales, rapporte que l'éléphant qui combattit le plus vaillamment dans l'armée punique s'appelait Surus, et avait perdu une défense. Antiochus donc sondant le gué d'une rivière, l'éléphant appelé Ajax, qui était le chef de la bande, refusa d'entrer dans l'eau.
[4] Alors on déclara que le commandement appartiendrait à celui qui passerait : Patrocle s'y hasarda, et pour cet exploit on lui donna les colliers d'argent, qui leur font le plus grand plaisir, et toutes les autres prérogatives du commandement: Ajax, ainsi dégradé, se laissa mourir de faim, préférant la mort a l'ignominie. Les éléphants, en effet, sont très sensibles à la honte; le vaincu fuit à la voix du vainqueur, il lui présente de la terre et de la verveine (XXII, 4).
[5] Ils ont de la pudeur, et ne se livrent à la copulation que dans le secret. Le mâle est apte à la génération à cinq ans, et la femelle a dix. La femelle ne reçoit le mâle que tous les deux ans; et seulement, dit-on, pendant cinq jours : le sixième, ils se baignent dans une rivière, et c'est alors seulement qu'ils rejoignent la troupe. L'adultère est inconnu parmi eux ; la possession des femelles ne suscite pas chez eux des combats cruels, comme chez les autres animaux. Ce n'est pas qu'ils n'éprouvent la puissance de l'amour : on rapporte qu'un éléphant aima en Égypte une femme qui vendait des couronnes; et qu'on ne s'imagine pas que son choix était mauvais : cette femme fut la bien almée d'Aristophane, très célèbre grammairien. Un autre aima Ménandre, Syracusain, jeune adolescent de l'armée de Ptolémée; et il témoignait, en ne mangeant pas, le regret qu'il éprouvait de son absence. Juba dit qu'une marchande de parfums fut aimée par un de ces animaux : [6] tous montrèrent leur attachement en témoignant de la joie à la vue de la personne aimée, en lui faisant des caresses à leur manière, en conservant et en jetant dans son sein les pièces de monnaie qu'on leur avait données. Il n'est pas donnant que des animant qui ont de la mémoire éprouvent de l'attachement. Juba rapporte encore qu'un éléphant reconnut après beaucoup de temps un vieillard qui, jeune, avait été son cornac. Le même auteur leur attribue un certain instinct de justice : le roi Bocchus ayant exposé, attachés à des poteaux, trente éléphants qu'il avait résolu de mettre à mort par trente autres éléphants, on ne put obtenir, quoi qu'on fît pour exciter ceux-ci, qu'ils servissent la cruauté d'autrui.
VI. Quand, pour la première fois, a-t-on vu des éléphants en Italie?
(VI.) [1] L'Italie vit pour la première fois des éléphants lors de la guerre de Pyrrhus, et on les appela bœufs de Lucanie à cause du théâtre de la guerre ; ce fut l'an de Rome 472. Sept ans plus tard, Rome en vit mener eu triomphe. Beaucoup furent pris en Sicile sur les Carthaginois par L. Metellus, pontife, et menés en triomphe l'an 502. Ils étaient au nombre de 142, ou, suivant d'autres (02), de 140; ils furent passés en Italie sur des radeaux que soutenaient des rangées de tonneaux. Verrius rapporte qu'ils combattirent dans le cirque, et qu'on les tua à coups de javelot parce qu'on ne sut qu'en faire, attendu qu'on ne voulut ni les nourrir ni les donner à des rois; L. Pison prétend qu'ils furent introduits dans le cirque, et qu'afin de redoubler le mépris pour ces animaux, on les y fit seulement pourchasser par des ouvriers qui n'avaient que des piques sans fer. Les auteurs qui pensent qu'ils ne furent pas tués n'expliquent pas ce qu'ils devinrent par la suite.
VII. Combats des éléphants.
(VII.) [1] Un combat d'un Romain contre un éléphant est célèbre. Annibal avait forcé les prisonniers faits sur nous à combattre entre eux; l'un d'eux qui survécut fut mis en présence d'un éléphant, et on lui promit que s'il le tuait il serait renvoyé; il combattit seul dans l'arène contre l'éléphant, et il en vint à bout, au grand chagrin des Carthaginois. Annibal, comprenant que le bruit de ce combat ferait mépriser ces animaux, envoya des cavaliers pour tuer le Romain, qui retournait chez lui.
[2] L'expérience des batailles contre Pyrrhus montra qu'il était très facile de couper leur trompe. Fenestella rapporte que le premier combat d'éléphants qu'on ait vu a Rome eut lieu dans le cirque, pendant l'édilité curule de Claudius Pulcher, sous le consulat de M. Antonius et de A. Posthumius, l'an de Rome 655, et que vingt ans après y eut un combat d'éléphants contre des taureaux, sous l'édilité curule des deux frères Lucullus. Sous le second consulat de Pompée (l'an de Rome 700), lors de la dédicace du temple de Vénus Victorieuse, vingt éléphants, ou, selon d'autres, dix-sept, combattirent dans le cirque contre des Gétules, qui les attaquaient à coups de javelot. Un d'entre eux excita surtout l'étonnement : les pieds percés de traits, il s'avança se traînant sur les genoux contre ses ennemis, arrachant les boucliers et les jetant en l'air: ces boucliers, qui tournoyaient en retombant, faisaient un grand plaisir aux spectateurs, comme si c'eût été un tour d'adresse et non un effet de la fureur de l'animal.
[3] Un autre fait qui surprit aussi, c'est qu'un éléphant tut tué d'un seul coup: un javelot, entrant sous l'œil, atteignit dans la tête les organes vitaux. Tous ensemble ils essayèrent de faire une sortie, non sans jeter beaucoup de désordre parmi le peuple qui entourait les grilles de fer. Pour cette raison, le dictateur César, sur le point, dans la suite, de donner un spectacle semblable, entoura de fossés pleins d'eau l'arène, fossés que Néron fit disparaître pour ajouter aux places des chevaliers. Les éléphants de Pompée, ayant perdu l'espoir de s'échapper, implorèrent la miséricorde du peuple par des attitudes qu'on ne peut décrire, se lamentant, pour ainsi dire, sur leur destinée; ce qui causa une telle peine aux spectateurs, qu'oubliant le général et la magnificence déployée en leur honneur, ils se levèrent tous versant des larmes, et maudirent Pompée, malédiction qui ne tarda pas à s'accomplir.
[4] Le dictateur César, lors de son troisième consulat, en fit combattre 20 contre 500 fantassins, et, derechef, 20 armés de tours, avec 60 combattants sur leur dos, contre 500 fantassins et un pareil nombre de cavaliers. Sous le règne de Claude et de Néron, le dernier exploit des gladiateurs qui demandaient leur congé était de les combattre seul à seul. L'éléphant a, dit-on, tant de douceur a l'égard de plus faible que lui, qu'au milieu d'un troupeau de menu bétail il écarte avec sa trompe les animaux qui sont devant lui, de peur d'en écraser quelqu'un par mégarde; ils ne font du mal que provoqués. En raison de cette douceur, ils marchent toujours en troupe, et ce sont les moins solitaires des animaux. Entourés par de la cavalerie, ils mettent au milieu les malades, les fatigués, les blessés, et ils viennent tour à tour au premier rang, comme s'ils obéissaient à un commandement et à la discipline. Pris, Ils s'apprivoisent très promptement par l'usage de l'orge.
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Re: Livre VIII, traitant des animaux terrestre
VIII. Par quels moyens les prend-on?
(VIII.) [1] Dans l'Inde, pour les prendre, un cornac dirige un éléphant apprivoisé sur lequel il est monté, et qui, surprenant un éléphant sauvage isolé ou séparé de sa troupe, le frappe et le réduit; alors le cornac monte sur cet éléphant, qui lui obéit comme le premier. En Afrique on les prend dans des fosses; dès qu'un d'entre eux est allé y tomber, les autres entassent des branchages, jettent des roches, et font tous leurs efforts pour le retirer en comblant ainsi la fosse. Autrefois qu'on les chassait pour les dompter, on les poussait, à l'aide de la cavalerie, dans un long défilé fait de main d'hommes et sans issue; là, enfermés par des fossés et des levées de terre, on les domptait par la faim. Ce qui prouvait leur soumission, c'est quand ils recevaient paisiblement un rameau qu'un homme leur présentait. Maintenant qu'on les chasse pour avoir leurs défenses, on cherche à les blesser à coups de flèches aux pieds, qui sont leur partie la plus sensible.
[2] Les Troglodytes, limitrophes de l'Éthiopie, qui ne vivent que de cette chasse, montent sur les arbres voisins des chemins que suivent les éléphants; puis, ayant remarqué le dernier de toute la bande, ils sautent sur l'extrémité de sa croupe; de la main gauche ils le saisissent par la queue, ils appuient leurs pieds sur la cuisse gauche; ainsi suspendus, ils coupent de la main droite, avec une hache à double tranchant très affilée, l'un des jarrets; cette blessure retardant l'animal, ils lui coupent en se sauvant les tendons de l'autre jarret : tout cela se fait avec une rapidité extrême.
[3] D'autres, employant un mode moins périlleux mais moins certain, fixent dans la terre, à une distance plus considérable, de très grands arcs; des jeunes gens très forts les maintiennent; d'autres, non moins forts, les tendent, et lancent des épieux en guise de flèches sur les éléphants qui passent; puis ils suivent l'animal blessé à la trace de son sang. Les femelles sont beaucoup plus timides que les mâles.
IX. Par quels moyens parvient-on a les dompter?
(IX.) [1] Les éléphants furieux se domptent par la faim et par les coups; on met auprès d'eux d'autres éléphants qui répriment leurs écarts avec des chaînes. Au reste, c'est surtout à l'époque du rut qu'ils deviennent intraitables, et qu'ils démolissent avec leurs défenses les écuries des Indiens. Aussi s'oppose-t-on aux accouplements, et l'on tient les femelles séparées des mâles dans des pacages, comme on fait pour le gros bétail. Domptés, on les emploie à la guerre; ils portent des tours pleines d'hommes armés, et décident en grande partie du résultat des guerres en Orient. Ils renversent les bataillons, ils écrasent les soldats; et cependant le moindre cri d'un cochon les épouvante. Blessés et effrayés, ils reculent toujours; et alors c'est pour leur propre parti qu'ils sont dangereux. Les éléphants d'Afrique redoutent ceux de l'Inde, et n'osent pas les regarder. En effet, les éléphants indiens sont d'une plus haute taille.
X. Du part de l'éléphant; autres particularités.
(X.) [1] Le vulgaire croit que la portée est de dix ans; d'après Aristote (Histoire des Animaux, V, 13), elle est de deux ans; la femelle ne met bas qu'un petit. Les éléphants vivent deux cents ans, et quelquefois trois cents. Ils commencent à être adultes à soixante ans. Ils aiment beaucoup l'eau, et se tiennent sur le bord des fleuves; du reste, la grosseur de leur corps les rend impropre à la nage. Ils sont très sensibles au froid; c'est pour eux le plus grand mal. Les seules maladies auxquelles ils soient sujets sont la tympanite et le flux de ventre.
[2] Je lis qu'on fait tomber les traits enfoncés dans leur corps en leur donnant à boire de l'huile, et qu'au contraire le trait tient davantage si on les fait suer. Il est mortel pour eux de manger de la terre, à moins qu'ils ne s'y habituent peu à peu. Ils avalent aussi des pierres. Les aliments qui leur plaisent le plus sont les tronc d'arbre; ils abattent des palmiers élevés, en les heurtant de leur front; et, l'arbre ainsi renversé, ils en mangent le fruit. Ils mangent avec la bouche; ils respirent, ils boivent et ils flairent avec ce qu'on appelle non improprement leur main. De tous les animaux celui qu'ils haïssent le plus c'est le rat, et ils rebutent leur nourriture s'ils aperçoivent qu'elle ait été touchée dans la crèche par cet animal. Ils éprouvent les plus grandes souffrances quand ils avaient en buvant une hirudo, que l'on commence, j'en fais la remarque, à appeler ordinairement sangsue : quand elle s'est fixée dans les voies respiratoires, elle leur cause une douleur intolérable.
[3] Leur peau est le plus dure au dos, elle est molle au ventre; ils ne sont pas défendus par des soies; leur queue même ne leur sert pas à les débarrasser de l'importunité des mouches, à laquelle leur masse ne les empêche pas d'être sensibles; leur peau est ridée, et attire ces insectes par son odeur. Ils en laissent des essaims se poser sur cette peau tendue ; puis, la fronçant subitement, ils les écrasent entre les plis : cela leur tient lieu de queue, de crinière et de poil.
[4] Leurs défenses ont un prix énorme; c'est la plus riche matière pour les statues des dieux. Le luxe a trouvé un autre mérite dans l'éléphant : on est allé jusqu'à rechercher la saveur du cartilage de sa trompe, par la seule raison, je pense, que l'un se figure manger l'ivoire même. C'est surtout dans les temples qu'on voit employées les grandes défenses. Toutefois, Polybe a rapporté, sur l'autorité d'un petit roi appelé Gulussa, qu'à l'extrémité de l'Afrique, sur les confins de l'Éthiopie, elles servent de poteaux dans les maisons, et qu'on les emploie, au lieu de pieux, pour y faire des clôtures et parquer les bestiaux.
XI. Leur patrie; antipathie des éléphants et des dragons.
(XI.) [1] L'Afrique produit des éléphants au delà des déserts des Syrtes et dans la Mauritanie. Il y en a dans l'Éthiopie et la Troglodytique, comme nous l'avons dit (VIII, 8); mais les plus grands sont dans l'Inde, et ils sont perpétuellement en guerre avec des dragons assez grands eux-mêmes pour les envelopper sans peine de leurs replis, et les serrer comme dans un nœud : les deux combattants succombent: le vaincu, dans sa chute, écrase par son poids le serpent roulé autour de lui.
XII. De l'adresse des animaux.
(XII.) [1] Chaque animal a son adresse particulière, qui est merveilleuse; ils en sont un exemple. Le dragon a de la peine à s'élever à la hauteur de l'éléphant ; en conséquence, remarquant le chemin que ces animaux prennent en allant paître, il se jette sur eux du haut d'un arbre : l'éléphant sait qu'il n'est pas assez fort pour lutter contre les nœuds qui l'étreignent; aussi cherche-il à écraser son ennemi contre les arbres ou les rochers : le dragon prévoit le danger, et tout d'abord il lui enlace les jambes avec sa queue; l'éléphant défait les nœuds avec sa trompe; le dragon enfonce sa tête dans les narines de l'éléphant, et à la fois lui ferme la respiration et le blesse dans les parties les plus délicates. Quand ils se rencontrent à l'improviste, le serpent se dresse et attaque son adversaire, principalement aux yeux;
[2] de là vient qu'on trouve souvent des éléphants aveugles, consumés par la faim et le chagrin. Comment expliquer la cause d'une si grande discorde, si ce n'est en disant que la nature se plaît à se donner le spectacle de ces duels? On rapporte encore autrement ce combat : l'éléphant, dit-on, a le sang très froid, aussi est-ce surtout pendant les chaleurs que les serpents le convoitent; en conséquence, cachés dans les rivières, ils guettent l'éléphant qui vient boire; ils s'enlacent autour de sa trompe et le mordent à l'oreille, parce que c'est le seul endroit qu'Il ne puisse défende avec sa trompe (03); ils boivent tout son sang, tant ils sont énormes. L'éléphant, ainsi épuisé et mis à sec, tombe; le dragon enivré est écrasé, et meurt.
XIII. Des dragons.
(XIII.) [1] L'Éthiopie produit aussi des serpents qui égalent ceux de l'Inde; ils ont 20 coudées. Seulement je ne sais pourquoi Juba a cru qu'ils avaient des crêtes. On appelle Asachéens les Éthiopiens dans le pays desquels on les trouve surtout. On rapporte que sur les côtes de ce pays quatre ou cinq de ces serpents s'enlacent en forme de claie, et, faisant pour ainsi dire voile la tête dressée, vont à travers les flots chercher une meilleure nourriture en Arabie.
XIV. Serpents d'une grandeur extraordinaire.
(XIV.) [1] Mégasthène écrit que dans l'Inde des serpents deviennent assez grands pour avaler des cerfs et des bœufs entiers; Métrodore, qu'auprès du fleuve Rhyndacus, dans le Pont, ils sont tels, qu'ils aspirent et engloutissent les oiseaux passant au-dessus d'eux, quelles que soient la hauteur et la rapidité du vol. On connaît l'histoire du serpent qui, dans les guerres puniques, auprès du fleuve Bagrada, fut assiégé comme une citadelle par Régulus, avec des balistes et des machines; il avait 120 pieds de long :
[2] sa peau et ses mâchoire sont été conservées à Rome, dans un temple, jusqu'à la guerre de Numance. On peut croire à ces faits quand on voit en Italie le serpent appelé boa arriver à une telle grandeur, que sous le règne du dieu Claude on trouva un enfant entier dans le corps d'un de ces animaux, tué au Vatican. Ils se nourrissent d'abord en tétant les vaches; c'est de là que vient leur nom (04). Quant aux autres animaux qui, n'étant qu'apportés de toutes parts, ont souvent touché le sol de l'Italie, il n'importe pas d'en décrire minutieusement les formes.
XV. Des animaux de la Scythie; des bisons.
(XV.) [1] La Scythie produit très peu d'animaux, à cause du manque d'arbrisseaux. La Germanie, qui y touche, n'en a pas beaucoup; cependant on y trouve des espèces remarquables de bœufs sauvages, les bisons à crinières, et le ures doués d'une force et d'une rapidité extrême, aux quels le vulgaire ignorant donne le nom de bu bales; le bubale (antilope bubalis) est un animal d'Afrique, qui ressemble plutôt au veau ou au cerf.
XVI. Des animaux du septentrion; de l'aloès; de l'achlis; du bonase.
[1] Le nord produit aussi des troupeaux de chevaux sauvages, de même que l'Asie et l'Afrique des troupeaux d'ânes sauvages. On y trouve en entre l'alce (élan), ressemblant à une de nos bêtes de somme, s'il ne s'en distinguait par la longueur de ses oreilles et de son cou. Il est dans l'île de Scandinavie un animal qui n'a jamais été vu chez nous, mais dont beaucoup ont parlé, l'achlis (élan) (05), qui ne diffère pas beaucoup de l'alce, mais qui a les membres d'une seule pièce; aussi ne se couche-t-il pas, mais il dort appuyé contre un arbre, que l'on scie, piège où il se prend; autrement sa vitesse extrême le sauverait. Sa lèvre supérieure est très grande, c'est pour cela qu'en paissant il marche à reculons; car s'il allait devant lui, sa lèvre s'enroulerait. On parle d'une bête de Péonie nommée bonace (06), à crinière de cheval, et de reste ressemblant à un taureau; ses cornes sont tellement contournées, qu'elles ne peuvent lui servir pour combattre; aussi a-t-il recours a la fuite, et en fuyant il lance, quelquefois à la distance de trois jugères (75 ares), une fiente dont le contact brûle comme une sorte de feu ceux qui le poursuivent.
Stephandra- Dans l'autre monde
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Re: Livre VIII, traitant des animaux terrestre
XVII. Des lions; leur naissance.
[1] Les pards, les panthères, les lions, et les animaux semblables, disposition singulière, marchent les ongles rentrés dans une sorte de gaine, de peur que la pointe ne s'en brise ou ne s'émousse. Quand ils courent, leurs griffes sont retirées en arrière, et ils ne les allongent que pour saisir une proie. (XVI.) Le lion a le plus de noblesse, quand une crinière couvre son cou et ses épaules. Avec l'âge, cet ornement vient à tous ceux qui ont été engendrés par un lion; mais il manque toujours à ceux qui ont été engendrés par un pard. Les femelles en sont également dépourvues. Ces animaux sont très ardents en amour, et le rut rend les mâles furieux.
[2] C'est l'Afrique qui est le principal théâtre de ces fureurs, la pénurie des eaux assemblant les animaux sur les bords d'un petit nombre de rivières. Aussi y voit-on se produire des formes diverses d'animaux, les femelles s'accouplant de gré ou de force avec des mâles de toute espèce; de là vient cette façon de parler proverbiale en Grèce: L'Afrique produit toujours quelque chose de nouveau. Le lion reconnaît à l'odeur l'adultère commis par la lionne avec le pard, et se venge avec violence; aussi la lionne après cette faute se lave dans le fleuve, ou ne suit le lion que de loin. Je vois qu'on a cru vulgairement qu'elle n'enfantait qu'une fois, se déchirant la matrice avec les griffes pour mettre son petit au monde. Aristote parle autrement; et comme je suivrai généralement ce grand homme, je crois devoir dire d'abord quelques mots sur son compte.
[3] Alexandre le Grand, brillant de connaître l'histoire des animaux, remit le soin de faire un travail sur ce sujet à Aristote, éminent en tout genre de science; et il soumit à ses ordres, en Grèce et en Asie, quelques milliers d'hommes qui vivaient de la chasse et de le pêche, et qui soignaient des viviers, des bestiaux, des ruches, des piscines et des volières, afin qu'aucune créature ne lui échappât. En interrogeant ces hommes, Aristote composa environ cinquante volumes sur les animaux : j'ai abrégé cet ouvrage célèbre, et j'y ai joint ce qu'il avait ignoré; je prie les lecteurs d'avoir de l'indulgence pour notre travail, qui va les faire rapidement voyager parmi tous les ouvrages de la nature, et au milieu de ce que le plus illustre des rois a désiré connaître.
[4] Aristote rapporte donc que la lionne met bas à sa première portée cinq petits; que d'année en année elle en enfante un de moins, et qu'elle devient stérile après en avoir porté un seul; que les petits sont d'abord informes, très peu en chair, et ne sont pas plus grands que des belettes; qu'ils marchent à peine à six mois, et qu'ils ne commencent pas à faire quelques mouvements avant deux mois; qu'en Europe on ne trouve des lions qu'entre l'Acheloüs et le Nestus, beaucoup plus forts que ceux que produit l'Afrique ou la Syrie (07).
XVIII. Leurs espèces.
[1] Il y a deux espèces de lions : l'une est ramassée et courte; elle a la crinière plus crépue (08). Ces lions sont plus timides que les lions au corps allongé et au poil droit; ces derniers méprisent les blessures. Les lions mâles urinent en levant la cuisse, comme les chiens; leur urine a une odeur forte, et leur haleine aussi; ils boivent rarement, ils ne mangent que de deux jours l'un; gorgés, ils restent trois jours sans manger; ils dévorent entiers les morceaux qu'ils peuvent avaler; et quand l'ampleur de leur ventre n'est pas égale à leur avidité, ils font sortir les morceaux en portant leurs griffes dans la gorge : ils emploient le même procédé quand, repus, il leur faut fuir (09).
[2] Leur vie est longue, dit Aristote ( Hist. an., IX, 39) ; ce qui le prouve, c'est qu'on les trouve la plupart privés de dents. Polybe, compagnon de Scipion Émilien, rapporte que dans leur vieillesse ils attaquent l'homme, parce qu'il ne leur reste plus assez de force pour poursuivre les bêtes fauves; qu'alors ils assiègent les villes d'Afrique, et qu'avec Scipion il en vit qu'on avait mis en croix, pour effrayer les autres par la crainte d'un pareil supplice.
XIX. Leur naturel.
[1] Seul entre les bêtes sauvages, le lion a de la clémence à l'égard des suppliants; il épargne ceux qui sont terrassés; sa fureur s'exerce plus sur les hommes que sur les femmes; il n'attaque les enfants que poussé par la faim. Les Libyens croient qu'il comprend les prières : toujours est-il que j'ai entendu raconter à une captive revenue de Gétulie, qu'elle avait adouci dans les bois la férocité de plusieurs lions en osant leur parler, et leur dire qu'elle était une femme fugitive, malade, une suppliante aux pieds de l'animal le plus noble de tous et leur maître, et une proie indigne de sa gloire. Les opinions sont partagées sur la question de savoir si quand un animal féroce s'adoucit par la parole, c'est un effet de son intelligence ou du hasard. On ne en étonnera pas en voyant que l'expérience n'a pas décidé (observation facile à vérifier) si l'on peut par des chants magiques attire les serpents, et les forcer à recevoir leur peine.
[2] La queue est chez les lions l'indice de leurs sentiments, comme les oreilles chez les chevaux; car la nature accorde aux plus nobles animaux des indices de cette espèce. La queue étant immobile, le lion est calme, bienveillant et caressant, pour ainsi dire ; ce qui est rare, car la colère est chez lui un état plus fréquent. Quant la colère commence, il frappe la terre de sa queue; quand elle croît, il s'n bat les flancs, comme s'il voulait s'exciter lui-même. Sa plus grande force est dans la poitrine. Des blessures qu'il fait, soit avec les griffes, soit avec les dents, un sang noir s'écoule.
[3] Repu, le lion ne fait pas de mal. Son noble courage se manifeste surtout dans les dangers : ce n'est pas seulement quand, dédaignant les traits, il se défend par la terreur qu'il inspire, proteste en quelque sorte qu'il est contraint, et s'élance sur les adversaires, moins forcé par le péril que courroucé de leur folie; mais il témoigne encore mieux sa grandeur d'âme quand, pressé par une multitude de chiens et de chasseurs, il recule avec lenteur et dédain en rase campagne, et tant qu'il peut être vu; au lieu que, dès qu'il est entré dans le fourré et les bois, il s'échappe par une course très rapide, comme si les témoins faisaient la honte.
[4] Quand il poursuit, il va par bonds ; ce qu'il ne fait pas quand il fuit. Blessé, il reconnaît merveilleusement ce lui qui l'a frappé; et il va le chercher, quoi que soit le nombre des chasseurs. Il saisit celui qui lui a lancé un trait sans le blesser, le renverse, le roule, mais ne le blesse pas. Quand la lionne combat pour ses petits, on dit qu'elle tient les yeux fixés à terre, pour ne pas être effrayée par la vue des épieux. Du reste, les lions ne sont ni rusés ni soupçonneux: ils ne regardent pas de côté, et ne veulent pas être regardés de cette façon.
[5] On croit qu'en mourant ils mordent la terre, et donnent une larme à leur mort. Un animal si puissant et si féroce est effrayé par le mouvement d'une roue et d'un char vide, par la crête du coq, plus encore par son chant, mais surtout par le feu. La seule maladie à laquelle le lion soit sujet est la perte d'appétit; on l'en guérit en excitant sa colère par l'insolence de guenons mises près de lui: il boit leur sang, qui lui sert de remède.
XX. Qui, le premier, a montré à Rome un combat de lions. Qui a sacrifié le plus grand nombre de ces animaux dans un pareil combat.
[1] Le premier qui ait donné à Rome le spectacle de combat de plusieurs lions ensemble est Q. Scaevola, fils de Publius, lors de son édilité curule. L. Sylla, qui fut ensuite dictateur, fit com battre le premier cent lions à crinière, lors de sa préture; après lui, le grand Pompée en fit combattre dans le cirque 600, dont 315 étaient à crinière (10); le dictateur César, 400.
XXI. Choses merveilleuses dans les actions des lions.
[1] C'était jadis une chose fort laborieuse que de les prendre; on employait surtout les fosses. Sous le règne de Claude, le hasard enseigna un procédé qu'on peut presque dire honteux pour le nom d'un tel animal : un berger de Gétulie jeta son surtout sur un de ces animaux qui l'attaquait; cela fut aussitôt transporté dans l'arène. On peut à peine croire jusqu'à quel point une enveloppe légère, jetée sur sa tête, arrête sa férocité : il se laisse enchaîner sans résistance; c'est que toute sa vigueur est dans ses yeux. On s'étonnera moins que Lysimaque ait étranglé un lion avec lequel Alexandre l'avait fait enfermer.
[2] Le premier qui les ait mis sous le joug, et qui les ait attelés à un char dans Rome, est Marc-Antoine, et ce fut pendant la guerre civile, après la bataille livrée dans les champs de Pharsale; attelage prodigieux, sorte de signe des temps, qui témoignait que les esprits généreux subissaient le joug; car se faire traîner ainsi avec la mime Cythéris, c'était une monstruosité qui dé passait même les calamités de l'époque. Le premier homme qu'on dise avoir osé flatter un lion de la main, et le montrer apprivoisé, est Hannon, personnage carthaginois des plus célèbres; cela même le fit condamner : on crut qu'un homme aussi ingénieux persuaderait tout ce qu'il voudrait, et que la liberté serait en péril entre les mains de celui qui avait triomphé si complètement de la férocité.
[3] On cite aussi des exemples fortuits de la démence des lions. Mentor, de Syracuse, vit en Syrie un lion qu'il rencontra se rouler à terre en suppliant : frappé de terreur, il voulut s'enfuir; mais la bête lui barrait le passage, et lui léchait les pieds d'un air caressant : Mentor s'aperçut alors qu'elle avait une tumeur et une plaie à la patte; il en tira une épine, et la délivra de ses souffrances : une peinture à Syracuse atteste le fait. Élpis, de Samos, débarqué en Afrique, vit aussi, sur la côte, un lion la gueule ouverte et menaçante; il court à un arbre en invoquant Bacchus : c'est surtout quand l'espoir est perdu, que l'on fait des vœux. La bête, sans le poursuivre, comme elle aurait pu faire, alla se coucher au pied de l'arbre, cherchant à exciter sa pitié par cette gueule ouverte qui l'avait effrayé :
[4] en mordant trop avidement, elle s'était enfoncé un os entre les dents; elle souffrait de la faim, et la cause de la souffrance était dans ses armes mêmes. La voyant tenir la tête en l'air, et lui adresser pour ainsi dire de muettes prières, Élpis, qui d'abord ne se fiait pas à la bête, fut retenu plus longtemps encore par l'étonnement qu'il ne l'avait été par la crainte; enfin, il descendit et arracha l'os au lion, qui présentait sa gueule, et se prêtait à l'opération autant qu'il était nécessaire. On raconte que tant que le vaisseau resta à la côte le lion témoigna sa reconnaissance en apportant du gibier.
[5] En mémoire de cet événement, Élpis consacra, dans Samos, à Bacchus un temple que pour cette raison les Grecs nommèrent temple de Bacchus à la bouche ouverte. Étonnons-nous après cela (VIII, 5) que les bêtes reconnaissent les traces de l'homme, quand c'est le seul animal dont elles attendent du secours. Car pourquoi celles-ci ne se sont-elles pas adressées a d'autres? Ou bien d'où savaient-elles que la main de l'homme peut guérir? Peut-être aussi la violence du mal force les bêtes même à tout essayer.
[6] (XVII.) Démétrios le naturaliste rapporte un trait non moins mémorable d'une panthère. L'animal était couché au milieu d'un chemin, dans le désir de rencontrer un homme : le père d'un certain philosophe Philinus l'aperçut à l'improviste. La peur le prend, il se met à reculer : mais la panthère se roule autour de lui; évidemment elle le caressait, et elle était en proie à un chagrin que l'on pouvait reconnaître même dans une panthère : elle avait des petits, lesquels étaient tombes loin de la dans une fosse. La crainte de l'homme se calma, ce fut le premier degré de la compassion; il voulut lui donner des soins, ce fut le second. Il la suivit là où elle l'entraînait, en tirant légèrement ses vêtements avec les griffes : dès qu'il comprit la cause de sa douleur, il retira de la fosse les petits, ce qui était en même temps sa propre rançon. La panthère le suivit avec eux, et le reconduisit au delà du désert, pleine de joie et d'allégresse; et l'on voyait facile ment qu'elle témoignait sa reconnaissance sans mettre en compte son propre bienfait; ce qui est rare, même chez l'homme.
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Re: Livre VIII, traitant des animaux terrestre
XXII. Homme reconnu et sauvé par un dragon.
[1] Ces faits permettent de croire aussi le récit de Démocrite, qui raconte que Thoas fut sauvé en Arcadie par un serpent. Enfant, Thoas l'avait élevé et s'y était beaucoup attaché ; le père, redoutant le naturel et la taille du serpent, l'avait porté dans un lieu désert. Là, Thoas étant tombé dans une embûche de brigands, le serpent re connut sa voix, et vint à son secours. Quant à ce qu'on rapporte d'enfants allaités par des bêtes fauves après avoir été exposés, ainsi qu'on dit que les fondateurs de notre ville furent allaités par une louve, il est plus juste, je pense, d'attribuer cette circonstance extraordinaire à la grandeur des destins qui devaient s'accomplir, qu'au naturel des animaux eux-mêmes.
XXIII. Des panthères.
[1] La panthère et le tigre sont presque les seuls animaux remarquables par leur robe bigarrée; les autres n'ont qu'une couleur uniforme, et propre à chaque espèce; seulement la couleur des lions est foncée en Syrie. Chez la panthère, les taches sont comme de petits yeux semés sur un fond clair. On dit que tous les quadrupèdes sont singulièrement attirés par l'odeur qu'elle exhale (XXI, 18), mais qu'ils sont effrayés par l'aspect farouche de sa tête; aussi la cache-t-elle : il ne reste plus que l'odeur agréable qui les attire, et elle les saisit. Des auteurs prétendent qu'elle a sur l'épaule une tache semblable à la lune, qui croît et décroît avec cet astre. On donne aujourd'hui le nom de bigarrées et de pards, qui sont les mâles, à toute cette espèce d'animaux, très communs en Afrique et en Syrie. Quelques-uns font des panthères une espèce à part, les distinguent seulement par le fond clair; et jusqu'à présent je n'ai pas trouvé d'autre différence.
XXIV. Sénatus-consulte et lois sur les panthères d'Afrique. Qui, le premier, a montré à Rome des panthères d'Afrique; qui en a montré le plus grand nombre.
[1] Il y avait un ancien sénatus-consulte qui défendait d'apporter en Italie des panthères d'Afrique. Cn. Aufidius, tribun du peuple (an de Rome 670), le fit casser par l'assemblée, et il permit d'en importer pour les jeux du cirque. Scaurus (XXXVI, 24), lors de son édilité (an de Rome 696), fut le premier qui en fit paraître dans le cirque 150, toutes de celles qu'on appelle bigarrées; puis Pompée, 410; le dieu Auguste, 420.
XXV. Des tigres. Quand a-t-on vu un tigre, peur la première fois à Rome? Du naturel de ces animaux.
[1] Le même empereur fut le premier qui, sous le consulat de Q. Tubéron et de Fabius Maximus, consul pour la quatrième fois (an de Rome 743), aux nones de mai (7 mai), lors de la dédicace du théâtre de Marcellus, montra à Rome, sur le théâtre, un tigre apprivoisé. Le dieu Claude en montra quatre à la fois (XVIII). L'Hyrcanie et l'Inde produisent le tigre, animal d'une rapidité redoutable : on en fait surtout l'épreuve quand on lui enlève tous ses petits, qui sont toujours nombreux; le chasseur qui les emporte est monté sur un cheval très vite, et il en change de temps en temps. Dès que la tigresse trouve la bauge vide (les mâles ne s'occupent pas de leur progéniture ), elle se précipite sur les pas du ravisseur, qu'elle suit à la piste : celui-ci, dès qu'il entend le rugissement approcher, jette un des petits; la tigresse le prend dans sa gueule, et sous ce poids, marchant avec encore plus de rapidité, elle revole à sa bauge; puis elle se remet à la poursuite, et ainsi de suite, jusqu'à ce que, le chasseur étant rentré dans le vaisseau qui l'avait apporté, la fureur de l'animal s'épuise vainement sur le rivage.
XXVI. Du chameau ; ses espèces.
[1] Les Orientaux élèvent comme gros bétail les chameaux, dont (11) il y a deux espèces, le chameau de la Bactriane et celui de l'Arabie ; la différence est que le premier a deux bosses sur le dos, le second n'en a qu'une. Les chameaux ont sous la poitrine une autre bosse, sur laquelle ils reposent. Les deux espèces manquent, comme les bœufs, de la rangée des incisives supérieures (XI, 62). Tous sont employés comme bêtes de charge ; on s'en sert même en guise de cavalerie dans les combats. Pour la vélocité ils sont au rang du cheval; mais la carrière que fournissent ces animaux est proportionnée à leurs forces. Le chameau ne fait jamais une route plus longue que la route ordinaire, ni ne reçoit une charge plus lourde que sa charge habituelle.
[2] Il a une aversion naturelle pour le cheval; il peut supporter la soif pendant quatre jours. Il boit, quand l'occasion s'en présente, pour le passé et pour l'avenir, et il trouble auparavant l'eau avec ses pieds; autrement l'eau ne lui plairait pas. Il vit cinquante ans, quelquefois cent; il est sujet aussi à la rage. On a trouvé le moyen de les châtrer, même les femelles, pour les rendre propres à la guerre; cette continence forcée les rend plus courageux.
XXVII. De la girafe. Quand a-t-on vu les premières à Rome?
[1] Une certaine ressemblance avec le chameau se trouve dans deux animaux (12) : l'un d'eux est appelé nabu (girafe) par les Éthiopiens; il a l'encolure du cheval, les pieds et les jambes du bœuf, la tête du chameau, et des taches blanches semées sur un fond de couleur fauve, ce qui lui a fait donner le nom de camelopardalis. La premiers girafe a été vue a Rome lors des jeux du cirque donnés par le dictateur César (an de Rome 708); depuis, on en voit de temps en temps. Cet animal est plus remarquable par un aspect extraordinaire que par un naturel farouche; aussi a-t-il reçu le nom de mouton sauvage.
XXVIII. Du chaüs; des céphes.
(XIX.) [1] C'est dans les jeux donnés par le grand Pompée qu'on a vu pour la première fois le chaüs (loup-cervier) (VIII, 34, 4) (13), appelé en Gaule rufius; il a la forme du loup et la robe du pard. Dans les mêmes jeux parurent des animaux venus d'Éthiopie, qu'on appelle cepus (14) : leurs pieds de derrière ressemblent aux pieds et aux jambes de l'homme, leurs pieds de devant aux mains de l'homme. Cet animal n'a pas été revu depuis à Rome.
XXIX. Du rhinocéros.
(XX.) [1] Dans les mêmes jeux on montra aussi le rhinocéros qui porte une corne sur le nez; on en a vu souvent depuis: c'est le second ennemi naturel de l'éléphant (VIII, 11 et 12). Il aiguise sa corne contre les rochers, et se prépare ainsi au combat, cherchant surtout à atteindre le ventre, qu'Il sait être la partie la plus vulnérable. Il est aussi long que l'éléphant; il a les jambes beaucoup plus courtes, et la couleur du buis.
XXX. Du lynx; des sphinx; des crocotes ; des cercopithèques.
(XXI.) [1] L'Éthiopie produit des lynx (15) en grand nombre, des sphinx (16) au poil roux, avec deux mamelles à la poitrine, et beaucoup d'autres animaux monstrueux, des chevaux ailés, armés de cornes qu'on appelle pégases; des crocottes (17), qui semblent nées du chien et du loup, brisant tout avec leurs dents, et digérant aussitôt ce qu'elles ont dévore; des cercopithèques à tête noire, à poil d'âne, et différant des autres animaux par la voix ;
[2] des bœufs pareils à ceux de l'Inde, à une: corne et à trois cornes; la leucrocote (18), animal excessivement rapide, ayant à peu près la taille de l'âne, les jambes du cerf, le cou, la queue et le poitrail du lion, la tête du blaireau, le pied fourchu, la gueule fendue jusqu'aux oreilles, et au lieu de dents un os continu : on prétend que cet animal imite la voix humaine. Dans le même pays ou trouve un animal nommé éale (19), de la grandeur de l'hippopotame, ayant la queue de l'éléphant, une couleur noire ou fauve, la mâchoire du sanglier, les cornes hautes de plus d'une coudée, mobiles, qu'il emploie alternativement dans les combats, et dont il varie l'obliquité suivant qu'il le juge nécessaire.
[3] Mais ce que ce pays a de plus farouche sont des taureaux sauvages (20), plus grands que ceux de nos champs, d'une rapidité supérieure à celle de tous les animaux, d'une cou leur fauve, ayant les yeux bleus, le poil tourné à rebours, la gueule fendue jusqu'aux oreilles, des cornes mobiles comme l'animal dont il vient d'être parlé, un cuir aussi dur que la pierre, et résistant à toutes blessures. Ils font la chasse à toutes les bêtes : quant à eux, on ne les prend que dans des fosses, où ils périssent toujours par l'effet de leur propre fureur. Dans le même pays il naît, d'après Ctésias, un animai appelé mantichore (VIII, 45) (21), ayant un triple rang de dents qui s'engrènent en forme de peigne, la face et les oreilles de l'homme, les yeux glauques, une couleur de sang, un corps de lion, une queue qui pique comme celle du scorpion, une voix semblable au concert du chalumeau et de la trompette, une rapidité très grande, et un goût tout particulier pour la chair humaine.
XXXI. Animaux terrestres de l'Inde.
[1] Dans l'Inde on trouve encore des bœufs (22) dont le pied n'est pas fendu, et qui n'ont qu'une corne; et une bête nommée axis (23), ayant la robe d'un faon, avec des mouchetures plus nombreuses et plus blanches : on l'offre en sacrifice à Bacchus. Les Indiens Orséens vont à la chasse de singes dont tout le corps est blanc. Ils chassent aussi une bête intraitable ; c'est l'unicorne (24), semblable au cheval par le corps, au cerf par la tête, à l'éléphant par les pieds, au sanglier par la queue; elle a un mugissement grave, et une seule corne noire s'élevant de deux coudées au milieu du front: on dit que cette bête ne peut pas être prise vivante.
XXXII. Animaux terrestres de l'Éthiopie; bête qui tue par la vue.
[1] Chez les Éthiopiens occidentaux est la source Nigris, origine du Nil, d'après l'opinion de la plupart des auteurs, que rendent probable les arguments rapportés plus haut (V, 10). Auprès de cette source est une bête appelée catoblepas (25), d'une taille médiocre, ayant les membres inertes: tout ce qu'elle peut faire, c'est de porter sa tête, qui est très pesante, et quelle tient toujours inclinée vers le sol; autrement elle serait le fléau du genre humain, car tous ceux qui voient ses yeux expirent sur-le-champ.
Stephandra- Dans l'autre monde
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XXXIII. Des basilics.
[1] Le serpent appelé basilic n'est pas doué d'une moindre puissance. La province Cyrénaïque le produit; sa longueur n'est pas de plus de douze doigts; il a sur la tête une tache blanche, qui lui fait une sorte de diadème. Il met en fuite tous les serpents par son sifflement. Il ne s'avance pas comme les autres en se repliant sur lui-même, mais il marche en se tenant dressé sur la partie moyenne de son corps. Il tue les arbrisseaux, non seulement par son contact, mais encore par son haleine; il brûle les herbes, il brûle les pierres, tant son venin est actif. On a cru jadis que, tué d'un coup de lance porté du haut d'un cheval, il causait la mort non seulement du cavalier, mais du cheval lui-même, le venin se propageant le long de la lance. Ce monstre redoutable (on en a fait souvent l'épreuve pour les rois, désireux d'en voir le cadavre) ne résiste pas à des belettes; ainsi le veut la nature : rien n'est sans contrepoids. On les fait entrer dans des cavernes, que l'on reconnaît facilement parce que le sol est brûlé alentour; elles tuent le basilic par l'odeur qu'elles exhalent, et meurent en même temps. Tel est le résultat du combat de la nature avec elle-même.
XXXIV. Des loups; d'où vient la fable qu'ils changent de peau.
(XXII.) [1] En Italie aussi on croit que le regard des loups est nuisible, et que voyant un homme avant d'en être vus ils le privent momentanément de la voix. En Afrique et en Égypte les loups sont petits et sans force; dans les pays froids ils sont farouches et redoutables. On a dit que des hommes se changeaient en loups, puis reprenaient leur forme; nous devons croire fermement que cela est faux, ou ajouter foi à toutes les fables dont tant de siècles ont démontré la fausseté.
[2] Mais d'où vient que cette opinion ait pris de telles racines dans l'esprit du vulgaire, que le mot de loup-garou soit un terme d'imprécation? Nous allons le dire. D'après Évanthes, écrivain grec qui n'est pas sans réputation, les livres des Arcadiens disent qu'un individu de la famille d'un certain Anthus est choisi au sort parmi les siens, et conduit à un étang de l'Arcadie; que la, suspendant ses habits à un chêne, il passe l'étang à la nage, va dans la solitude, se transforme en loup, et vit pendant neuf ans avec les animaux de cette espèce.
[3] Si pendant ce temps il n'a vu aucun homme, il retourne à l'étang, et, après l'avoir traversé à la nage, il reprend la forme humaine : seulement il se trouve âgé de neuf ans de plus qu'avant sa métamorphose; Fabius ajoute même qu'il reprend son ancien vêtement. On est stupéfait de l'excès de la crédulité grecque; il n'est pas de mensonge si impudent qui ne soit appuyé d'un témoignage. Ainsi Agriopas, historien des Vainqueurs Olympiques, raconte que Déménète de Parrhasie (IV, 10) ayant goûté des entrailles d'un enfant, immolé dans le sacrifice de victimes humaines que les Arcadiens faisaient encore dans ce temps à Jupiter Lycéen, fut métamorphosé en loup; qu'au bout de dix ans, rendu aux Jeux athlétiques, il disputa le prix du pugilat, et revint victorieux d'Olympie.
[4] Bien plus, on croit vulgairement qu'un petit poil qui est à la queue du loup constitue un philtre amoureux, et que l'animal pris jette ce poil, qui n'a de vertu qu'autant qu'il est enlevé sur l'animal vivant. On dit que le temps de l'accouplement des loups n'est, dans toute l'année, que de douze jours; qu'affamé, il se nourrit de terre. De tous les présages le plus favorable est de voir son chemin coupé à droite par un loup ayant la gueule pleine. Au même genre appartiennent tes loups appelés cerviers, tels que l'animal qui, avons-nous dit (VIII, 28), venu de la Gaule, fut montré dans les jeux célébrés par le grand Pompée. Ce dernier animal, même ayant faim, oublie, dit-on, s'il tourne la tête, les aliments qu'il mangeait, et va ailleurs en chercher d'autres.
XXXV. Espèces des serpents.
(XXIII.) [1] Quant aux serpents, on sait que la plupart ont la couleur du terrain où ils se cachent. Les espèces en sont innombrables : les cérastes ont de petites cornes, qui sont souvent au nombre de quatre, et dont le mouvement attire les oiseaux, pendant que l'animal tient le reste de son corps caché. L'amphisbène (26) a une double tête, c'est-à-dire une tête à la queue, comme si ce n'était pas assez d'une seule gueule pour répandre le venin. Les uns ont des écailles, les autres une peau tachetée, tous un poison mortel. Le javelot se lance du haut des arbres : ce n'est pas seulement pour les pieds que les serpent sont à craindre, ils fendent même l'air comme un dard lancé par une machine. Le cou de l'aspic (coluber aje L.) se gonfle, et sa blessure est mortelle, à moins qu'on n'excise sur-le-champ les parties infectées.
[2] Ce reptile si redoutable n'a qu'un sentiment, ou plutôt qu'une passion. Les aspics ne cheminent que par couple apparié, et ils ne vivent pas l'un sans l'autre ; aussi, le mâle ou la femelle étant tuée, le survivant met à la vengeance un acharnement incroyable. Il poursuit le meurtrier; il n'attaque que lui, par une sorte d'instinct, au milieu de la foule la plus nombreuse; il triomphe des obstacles, il traverse les espaces, et on ne lui échappe qu'en passant une rivière, ou par une fuite rapide. On ne peut dire si la nature a été plus prodigue de fléaux que de remèdes : d'abord elle a donné à cet animal redoutable une vue faible; les yeux sont non pas en avant, mais sur les tempes; aussi l'ouïe (27) le met-elle en mouvement plus souvent que la vue. (XXIV.) Puis il règne une guerre à mort entre lui et l'ichneumon (mangouste, viperra ichneumon L.).
XXXVI. De l'ichneumon.
[1] C'est la sa gloire à celui-ci, né aussi en Égypte. Il se roule dans le limon et se sèche au soleil; puis, s'étant ainsi cuirassé de plusieurs couches de boue, il va au combat. Dans la lutte, tenant sa queue droite, et se présentant par derrière, il reçoit des morsures impuissantes, jusqu'à ce que, épiant de côté le moment, il saisit son ennemi à la gorge. Non content de cette guerre, il triomphe d'un animal non moins redoutable.
XXXVII. Du crocodile.
(XXV.) [1] Le Nil nourrit le crocodile, monstre à quatre pieds, et dangereux sur la terre comme dans les eaux. De tous les animaux terrestres, c'est le seul qui n'ait pas l'usage de la langue; seul aussi il a la mâchoire supérieure mobile, et sa morsure est terrible, attendu que les rangées de ses dents s'engrènent en forme de peigne. Sa largeur dépasse presque toujours dix-huit coudées; la femelle pond des œufs aussi gros que ceux d'une oie, et, par une sorte de divination, elle les couve toujours au delà de la limite que l'inondation du Nil atteindra. Aucun animal n'arrive à de plus grandes dimensions relativement à sa petitesse en naissant. Il est armé de griffes, et sa peau est impénétrable ; il passe le jour à terre, la nuit dans l'eau, déterminé dans l'un et l'autre cas par le besoin de la chaleur. Rassasié de poisson et la gueule toujours pleine de débris, il se livre au sommeil sur le rivage; là, un petit oiseau qu'on appelle en Égypte trochilos, et roitelet en Italie, l'invite à ouvrir la gueule pour y chercher la nourriture, nettoyant d'abord le dehors de la gueule en sautillant, puis les dents, et le gosier même, que le crocodile, chatouillé agréablement, dilate autant qu'il peut : l'ichneumon, le voyant accablé par le sommeil au milieu de ce chatouillement, s'élance comme un trait dans son gosier, et lui ronge le ventre.
XXXVIII. Du scinque.
[1] On trouve dans le Nil un animal semblable au crocodile, mais plus petit même que l'ichneumon, le scinque (Lacerta ouaran Cuv.) (XXVIII, 30). Ingrédient essentiel dans les antidotes, il sert aussi d'aphrodisiaque pour exciter les facultés viriles. Le crocodile était un fléau trop dangereux peur que la nature se contentât de lui opposer un seul ennemi ;aussi des dauphins qui entrent dans le Nil ont sur le dos une épine (28) qui semble aiguisée pour servir d'arme : les crocodiles veulent les empêcher de chasser dans un fleuve qu'ils regardent comme leur domaine; le dauphin, plus faible que son ennemi, le met à mort par ruse : en effet, tous les animaux ont un instinct admirable qui leur montre à connaître non seulement leurs propres avantages, mais encore les désavantages de leurs ennemis; ils connaissent leurs armes, ils connaissent les occasions et le côté faible de ceux qu'ils attaquent.
[2] Le crocodile a sous le ventre la peau molle et mince; le dauphin, comme effrayé, plonge, et, passant sous le ventre de son ennemi, il le lui ouvre avec son épine. Bien plus, une race d'hommes fait, dans le Nil même, la guerre à ce monstre: ce sont les Tentyrites (XXVIII, 6, 2), appelés ainsi de l'île qu'ils habitent. Leur taille est petite, mais leur présence d'esprit est merveilleuse, au moins dans de pareilles luttes. Le crocodile est terrible contre ceux qui fuient, mais il fuit devant ceux qui le poursuivent.
[3] Les Tentyrites seuls osent l'attaquer de front; ils se jettent même à la nage dans le fleuve, et, se mettent à cheval sur son dos, ils lui placent, au moment où, renversant la tête, il ouvre la gueule pour les mordre, une massue entre les dents; ils en tiennent les bouts avec l'une et l'autre main, et conduisent l'animal captif à terre avec cette espèce de frein; ils effrayent le crocodile par leur seule voix, et les forcent à revomir, pour être rendus à la sépulture, les corps qu'il vient d'avaler.
[4] Aussi Tentyra est-elle la seule île où les crocodiles n'abordent pas; et l'odeur des Tentyrites les fait fuir comme celle des Psylles (VII,2) fait fuir les serpents. Cet animal a, dit-on, la vue faible dans l'eau, très perçante au dehors, et il passe toujours quatre mois d'hiver dans un trou, sans rien manger. Quelques–uns pensent que, seul entre tous les animaux, il grandit tant qu'il vit; or il vit longtemps.
XXXIX. De l'hippopotame.
[1] On trouve dans le même Nil l'hippopotame, animal d'une taille beaucoup plus haute. Il a le pied fendu comme les bœufs, le dos, la crinière et le hennissement du cheval, le museau relevé, la queue du sanglier et ses dents recourbées, mais moins dangereuses. Avec son cuir on fait des casques et des boucliers impénétrables, tant qu'ils ne sont pas mouillés. Il dévaste les moissons; et on assure qu'il détermine d'avance chaque jour la moisson qu'il ravagera le lendemain, et qu'il entre à reculons dans le champ, pour mettre en défaut ceux qui voudraient lui dresser des embûches à son retour.
XL. Qui, le premier, a montré à Rome cet animal, ainsi que le crocodile.
(XXVI.) [1] M. Scaurus, dans les jeux célébrés lors de son édilité, montra le premier à Rome un hippopotame et cinq crocodiles, dans une pièce d'eau creusée pour cette circonstance L'hippopotame a même enseigné (XXVIII, 31) à la médecine une de ses opérations : quand une abondance continuelle d'aliments l'a rendu trop gras, il vient sur la rive pour chercher des roseaux récemment coupés; des qu'il voit une tige très aiguë, il s'y appuie, et s'ouvre une veine à la jambe. S'étant ainsi, par l'écoulement du sang, débarrassé du malaise qui le gênait, il couvre la plaie de limon.
XLI. Remèdes trouvés par les animaux.
(XXVII.) [1] Dans la même Égypte un oiseau, appelé ibis, a enseigné quelque chose de semblable : il se lave les intestins en insinuant son bec recourbé dans cette partie par laquelle il est si important que le résidu des aliments soit évacué. Et ce ne sont pas les seules inventions utiles, même à l'homme, qu'aient trouvés les animaux : le cerf a Indiqué le dictame(XXV, 53) pour l'extraction des herbes; blessé par cette arme (29) il lui suffit de manger du dictame pour qu'elle se détache. Le même animal blessé par l'araignée qu'on appelle phalange, ou par quelque bête semblable, se guérit en mangeant des écrevisses.
[2] Une herbe excellente contre les morsures des serpents (XXII, 45) est celle avec laquelle se raniment les lézards blessés dans les combats qu'ils leur livrent. Le chélcidoine (XXV, 50 et 91) est très bonne pour la vue ; ce que nous ont appris les hirondelles, qui s'en servent pour guérir les yeux malades de leurs petits.
[3] La tortue se redonne des forces contre les serpents en mangeant la cunile, qu'on appelle herbe aux boeufs (XX, 61); la belette, en mangeant de la rue quand elle a livré des combats aux serpents en poursuivant les rats (XXIX, 16); la cigogne se guérit dans les maladies en mangeant de l'origan ; les sangliers, avec du lierre et en mangeant des écrevisses, surtout celles que la mer rejette. Le serpent qui mue par l'effet de l'hiver (XX, 95) se délivre de sa peau avec le jus du fenouil, et reparaît, au printemps, brillant de jeunesse.
[4] Il commence à s'en dépouiller par la tête, et il ne lui faut pas moins d'un jour et d'une nuit pour se dégager de sa vieille peau, la retournant à l'envers d'un bout a l'autre. Le même animal, dont la vue s'est affaiblie pendant l'hivernage, se frotte avec le fenouil, et par cette onction rend de la force à ses yeux; en se frottant contre les épines du genévrier, il se délivre des écailles qui lui obscurcissent la vue; le dragon se purge au printemps avec le suc de la laitue sauvage. Les barbares vont à la chasse des panthères avec de la viande frottée d'aconit; c'est un poison : la panthère, dès qu'elle en a mangé, est prise d'étranglement; aussi quelques-uns appellent-ils cette herbe pardalianches (XXVII, 2).
[5] Mais l'animal se guérit avec les excréments de l'homme, dont il est tellement avide, que si des bergers en mettent dans un vase, en ayant soin de le suspendre hors de la portée de ses bonds, il s'épuise à sauter pour y atteindre, et finit par expirer; et cependant la panthère a la vie si dure, que, les intestins hors du corps, elle combat longtemps. L'éléphant, trompé par la couleur, mange-t-il un caméléon (c'est un poison pour lui), a recours à l'olivier sauvage.
[6] Les ours (XXIX, 39), quand ils ont goûté du fruit de la mandragore, lèchent les fourmilières. Le cerf en mangeant de la cinare (30) combat les plantes vénéneuses des pâturages, les ramiers, les choucas (XI, 25), les merles, les perdrix, remédient avec la feuille du laurier à la perte d'appétit qu'ils éprouvent chaque année; Ies colombes, les tourterelles, les poules, avec l'herbe appelée helxine (31) ; les canards, les oies et les autres oiseaux aquatiques, avec la sidéris (32); les grues et oiseaux semblables, avec le jonc de marais. Le corbeau ayant tué un caméléon, nuisible à son vainqueur même, dissipe le venin avec du laurier.
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XLII. Pronostics fournis par les animaux au sujet de certains dangers.
(XXVIII.) [1] Je pourrais citer mille autres faits: la nature a même donné à beaucoup d'animaux la faculté d'observer le ciel, et de présager les vents, les pluies et les tempêtes, présages différents suivant les différentes espèces, et dont le détail serait immense, ainsi que le détail des autres rapports que l'homme entretient avec chacun d'eux. En effet, ils annoncent à l'avance les dangers, non seulement par leur foie et par leurs entrailles, à l'inspection desquelles s'arrêtent tant de mortels, mais aussi par d'autres indices.
[2] Les rats délogent à l'avance des édifices qui menacent ruine; les araignées tombent les premières avec leurs toiles. Les augures constituent même un art chez les Romains, et le collège des prêtres y est surtout consacré. En Thrace, quand les eaux sont glacées, le renard, animal d'ailleurs d'une habileté malfaisante, est consulté : on ne passe les fleuves et les lacs gelés que quand il les a lui même traversés en allant et venant; on a observé que, mettant l'oreille contre la glace, il en estime l'épaisseur.
XLIII. Nations détruites par des animaux.
(XXIX.) [1] On trouve des exemples non moins célèbres de destructions dues même à des animaux méprisés. M. Varron rapporte qu'une ville fut ruinée en Espagne par les lapins, en Thessalie par les taupes; qu'une population fut chassée par les grenouilles en Gaule, par les sauterelles en Afrique; que les habitants de Gyaros, une des Cyclades, furent mis en fuite par les rats (VIII, 82; X, 85); qu'en Italie Amycles fut dé-truite par les serpents. En deçà des Éthiopiens Cynamolges (VI, 35), est une vaste étendue dépeuplée; les habitants en ont disparu devant les scorpions et les solipuges (XXIX, 29); Théophraste assure que les Rhoetiens ont été chassés par les scolopendres. Mais revenons aux autres espèces d'animaux.
XLIV. Les hyènes.
(XXX.) [1] Le vulgaire croit que les hyènes sont hermaphrodites, qu'elles deviennent alternativement, d'année en année, mâles et femelles; qu'elles engendrent sans mâle: Aristote nie tout cela (de Gen. an., II, 6). La crinière s'étend tout le long du dos, et le cou ne fait qu'un avec l'épine; aussi l'hyène ne peut infléchir son corps qu'en se tournant tout entière. On en raconte en outre des choses merveilleuses : la plus étrange, c'est qu'au milieu des bergeries elle imite le langage humain, retenant le nom d'un individu, qu'elle fait sortir ainsi et déchire. On prétend encore qu'elle imite le vomissement de l'homme, pour attirer les chiens et les dévorer;
[2] que, seule entre tous les animaux, elle fouille les sépulcres et y va chercher les cadavres: que la femelle est rarement prise; que les yeux présentent mille variétés et mille changements de coloration; que les chiens atteints par son ombre perdent la voix ; qu'au moyen de certains procédés magiques elle rend immobile tout animal autour duquel elle a tourné trois fois.
XLV. Des crocottes; des mantichores.
[1] En s'accouplant avec des hyènes la lionne d'Éthiopie produit la crocute (33), qui imite pareillement la voix des hommes et des bestiaux, Elle ne cligne jamais les yeux; les deux mâchoires, dépourvues de gencives, sont garnies chacune d'une denture continue; ces deux dentures s'emboîtent, afin que la rencontre ne les émousse pas. Juba rapporte que la mantichore (VII, 30) aussi imite, en Éthiopie, la parole humaine.
XLVI. Des onagres.
[1] Les hyènes sont très nombreuses dans l'Afrique, qui produit aussi beaucoup d'ânes sauvages. Dans cette espèce, chaque mâle commande à un troupeau de femelles : redoutant des rivaux en amour, ils surveillent les femelles pleines, et châtrent avec les dents les mâles qui naissent; mais les femelles pleines cherchent à se cacher, elles veulent mettre bas en secret, et se plaisent à multiplier leurs jouissances.
XLVII. Du castoréum; des animaux à la fois aquatiques et terrestres; des loutres.
[1] Ce sont les castors du Pont qui se châtrent eux-mêmes (XXXII, 13) quand le péril les presse; car ils savent qu'on les poursuit pour leurs testicules, que les médecins nomment castoréum. Du reste, le castor est un animal dont la morsure est formidable; sur le bord des fleuves, il coupe les arbres comme avec un fer tranchant; quand il a saisi un membre, il ne desserre pas les mâchoires avant que les os fracturés n'aient craqué sous les dents. Il a la queue d'un poisson; du reste, il ressemble à la loutre (XXXII, 53) ; ces deux animaux sont aquatiques; leur poil est plus doux que la plume.
XLVIII. De la grenouille rubète.
(XXXI.) [1] Les grenouilles buissonnières (XXXII, 18), qui vivent sur la terre et dans l'eau, portent en elles beaucoup de remèdes que, dit-on, elles perdent chaque jour et reprennent avec les aliments; il n'y a que les venins qu'elles se réservent toujours.
XLIX. Du veau marin, des castors, des lézards.
[1] Le veau marin est également amphibie; il vit dans la mer et sur terre; il a la même intelligence que le castor : il vomit son fiel, qui entre dans beaucoup de compositions médicamenteuses; il vomit aussi sa présure, qui est bonne contre l'épilepsie, sachant très bien que c'est pour cela qu'on le poursuit. Théophraste rapporte que les stellions (gecko) comme les serpents dépouillent leur vieille peau, et l'avalent aussitôt, pour dérober ce qui serait un remède contre l'épilepsie; et que ces animaux, dont la morsure est mortelle en Grèce, sont innocents en Sicile.
L. Des cerfs.
(XXXII.) [1] Les cerfs, bien que ce soient les plus doux des animaux, ont aussi leur malice. Pressés par les meutes, ils se réfugient spontanément vers l'homme. Au moment de mettre bas, les biches évitent moins les sentiers frayés par les hommes que les solitudes fréquentées des bêtes féroces. Elles conçoivent après le lever de la constellation d 'Arcturus (XVIII, 74). Elles mettent bas au bout de huit mois, quelquefois deux petits. Elles quittent les mâles après la conception ; ceux-ci délaissés sont en proie aux fureurs du rut; ils fouillent la terre: c'est alors que leurs museaux noircissent, teinte qui dure jusqu'a ce que les pluies la fassent disparaître. Les femelles, avant de mettre bas, se purgent avec une certaine herbe nommée seseli (XX, 18), ce qui rend le part plus facile; après avoir mis bas, elles broutent deux herbes appelées aros (arum maculatum L.), et seseli, et retournent vers leurs petits, voulant, quelle qu'en soit la cause, que le premier lait qu'ils sucent soit pénétré du suc de ces plantes.
[2] Elles exercent leurs petits à la course, leur apprennent à fuir, les conduisent dans des lieux abruptes, et leur enseignent à sauter. Les mâles, délivrés des ardeurs du rut, courent avidement aux pacages; quand ils se sentent un excès d'embonpoint, ils cherchent la retraite, à cause de l'incommodité qu'il leur cause. Au reste, ils prennent toujours des temps de repos dans leur fuite, et s'arrêtent pour regarder derrière eux; quand on en approche, ils se remettent à courir. Cela provient de la douleur qu'ils éprouvent à leurs intestins, si faibles, qu'il suffit d'un coup léger pour en causer la rupture à l'intérieur.
[3] Ils fuient dès qu'ils entendent les aboiements des chiens, en se tenant sous le vent, afin que l'odeur de leur piste s'en aille avec eux. Ils écoutent avec plaisir le chalumeau des bergers et leurs chants : quand ils dressent les oreilles, leur ouïe est très fine; ils sont sourds quand ils les baissent. Du reste, c'est un animal simple et qui s'étonne de tout; à tel point qu'un cheval ou une génisse s'approchant, il ne voit pas le dessein qui le poursuit, ou, le voyant, il contemple l'arc et les flèches.
[4] Les cerfs traversent les mers à la nage, en formant une longue file; ils mettent leur tête sur la croupe de celui qui est devant, et chacun va à son tour à l'arrière-garde. On observe surtout cette manière de nager chez ceux qui vont de Cilicie en l'île de Chypre. Ils ne voient pas la terre, mais ils la sentent, et c'est ce qui les guide. Les mâles ont des cornes, et seuls de tous les animaux ils les perdent annuellement à une époque déterminée du printemps; aussi, au moment de les perdre, se retirent-ils dans les solitudes les plus inaccessibles. Après les avoir perdues, ils se tiennent cachés comme s'ils étaient désarmés; mais eux aussi nous envient les avantages que nous en pourrions retirer. On assure que leur corne droite ne se trouve pas, étant douée de quelque propriété médicamenteuse; et cela est d'autant plus étonnant, il faut en convenir, qu'ils sont sujets à la mue annuelle, même dans les parcs : on pense qu'ils l'enfouissent.
[5] L'odeur que répand l'une ou l'autre de ces cornes brutes met en fuite les serpents, et fait reconnaître les personnes sujettes à l'épilepsie (34). L'âge des cerfs est indiqué par leur bois; chaque année, il s'y ajoute un andouiller jusqu'à six ans; à partir de cette époque, le bois repousse sans changement, et ne peut plus servir à faire discerner leur âge : mais leur vieillesse se connaît aux dents; les siens n'en ont que peu, ou n'en ont point. Ils n'ont pas non plus à la partie inférieure du bois certaines dagues qui s'avancent ordinairement sur le front des jeunes. Chez les cerfs châtrés, le bois ne tombe pas et ne pousse pas non plus.
[6] Le bois repousse par deux tubercules, et est semblable d'abord à de la peau sèche; il croît par des tiges tendres, revêtues d'un duvet doux, comme des têtes de roseau. Les cerfs, tant qu'ils n'ont pas leur bois, ne vont au pâturage que la nuit; à mesure qu'il croît, ils l'endurcissent à la chaleur du soleil, et l'essayent de temps en temps contre les arbres; quand il leur semble assez dur, ils se montrent au grand jour. On en a pris qui portaient dans leur bois du lierre verdoyant; ce lierre, implanté pendant qu'Ils frottaient leur bols tendre encore contre les arbres pour l'essayer, y avait pris racine comme sur un végétal.
[7] On en trouve qui sont blancs, comme fut, dit-on, la biche de Q. Sertorius, lequel avait persuadé aux nations espagnoles qu'elle rendait des oracles. Le cerf est aussi en hostilité avec les serpents (XXVIII, 9 et 42); il cherche les cavernes de ces reptiles, et, par le souffle de ses narines, il les force à en sortir; aussi l'odeur de la corne de cerf brûlée a une vertu singulière pour chasser les serpents. Quant aux morsures de ces reptiles, le meilleur remède est la présure d'un faon tué dans le ventre de sa mère. La longévité des cerfs est un fait reconnu. Quelques-uns ont été pris, au bout de cent ans, avec des colliers d'or qu'Alexandre le Grand leur avait fait mettre, et qui étaient cachés sons les plis de la peau, à cause de l'embonpoint que ces animaux avaient acquis.
[8] Le cerf n'éprouve pas les maladies rebelles, et même il en préserve : en effet, nous savons que quelques dames d'un rang illustre avaient naguère l'habitude de manger de la chair de cerf tous les matins, et furent exemptes de la fièvre pendant une longue vie. On pense que cette propriété n'est sûre que quand l'animal a été tué d'un seul coup. (XXXIII.) A la même espèce que le cerf appartient un animal qui n'en diffère que par la barbe et les poils des épaules, et qu'on appelle tragélaphe (35); on ne le trouve que sur les bords du Phase.
LI. Du caméléon.
[1] L'Afrique est presque le seul pays qui ne produise pas de cerfs; mais elle produit le caméléon, bien qu'il soit plus commun dans l'Inde. Sa forme et sa grandeur seraient celles d'un lézard si ses jambes n'étalent pas droites et plus élevées; la poitrine se confond avec le ventre, comme dans les poissons, et son épine, dorsale fait une saillie semblable. Son museau. autant que cela se peut dans un petit animal, ne diffère guère de celui du cochon. Sa queue est très longue, finit par être très mince, et forme des replis comme celle de la vipère. Ses ongles sont crochus ; ses mouvements sont lents comme ceux de la tortue. Son corps est écailleux comme celui du crocodile. Ses yeux sont enfoncés dans l'orbite, séparés par un intervalle étroit, très grand et de la même couleur que le corps; il ne les ferme jamais; il regarde autour de lui, non par le mouvement de la prunelle, mais en tournant le globe entier de l'oeil (XI, 55 n° 4).
[2] Toujours la tête haute et la gueule ouverte, il est le seul de tous les animaux qui ne mange ni ne boive, et qui n'ait pas d'autre aliment que l'air. Redoutable vers la fin des jours caniculaires, il est le reste du temps inoffensif. La nature de sa coloration est ce qu'Il y a de plus digne d'admiration; en effet, il change souvent de couleur dans ses yeux, dans sa queue et tout son corps, et reproduit toujours celle dont il est voisin, excepté le rouge et le blanc; mort il est de couleur pâle. Il n'a un peu de chair qu’à la tête, aux mâchoires, et à la naissance de la queue ; il n'en a pas dans le reste du corps. Il n'a de sang que dans le coeur et autour des yeux; il n'a point de rate. Il hiverne comme les lézards.
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LII. Des autres animaux qui changent de couleur: le tarande, le lycaon, le thos.
(XXXIV.) [1] Le renne, chez les Scythes, change aussi de couleur; et c'est le seul de tous les animaux couverts de poils, si l'on excepte le lycion de l'Inde (hyaena pieta, Temm.) (36), à qui on donne une crinière sur le cou. En effet, les thos (lynx du nord) (37), espèce de loups plus longs de corps, à jambes plus courtes, sautant avec agilité, vivant de chasse et inoffensifs pour l'homme, changent de fourrure et non de couleur: ils sont en hiver hérissés d'un poil qui tombe en été.
[2] Le renne a la taille du boeuf; sa tête est plus grande que celle du cerf, et n'en diffère guère; son bois est rameux, son pied fendu, son poil aussi long que celui de l'ours. Quand il ne change pas sa couleur naturelle, il offre celle de l'âne. Son cuir est si dur, qu'on en fait des cuirasses. Il reproduit la couleur des arbres, des arbrisseaux, des fleurs, et des lieux où il se cache lorsqu'il a peur; aussi le prend-on rarement. Il était étonnant que des apparences aussi multipliées fussent données au corps ; il l'est encore plus quelles soient données au poil.
LIII. Le porc-épic.
(XXV.) [1] L'Inde et l'Afrique produisent des porcs-épics couverts d'épines, et du genre des hérissons. Mais le porc-épic a des aiguillons plus longs, et susceptibles d'être lancés quand il donne de la tension à sa peau. Il perce la gueule des chiens qui le pressent, et il les atteint même à quelque distance ; il se cache pendant les mois d'hiver, habitude qui est commune à beaucoup d'animaux, et particulièrement aux ours.
LIV. Les ours, leurs petits.
(XXXVI.) [1] Les ours s'accouplent au commencement de l'hiver, non comme font d'ordinaire les quadrupèdes, mais tous deux couchés et s'embrassant. Puis ils se retirent chacun dans une caverne; la femelle y met bas au bout de trente jours, cinq petits la plupart du temps. Ce sont d'abord des masses de chair blanche, informes, un peu plus grosses que des rats, et sans yeux, sans poil; les ongles seuls sont proéminents. C'est en léchant cette masse que la mère lui donne peu à peu une forme.
[2] Rien de plus rare que de voir une ourse mettre bas. Les mâles se tiennent cachés pendant quarante jours. les femelles pendant quatre mois. S'ils n'ont pas de caverne, ils bâtissent avec des branchages une cabane impénétrable à la pluie, et garnie d'un lit de feuillage. Dans les quatorze premiers jours, leur sommeil est si profond, que les blessures même ne peuvent les en tirer. Cet engourdissement les engraisse d'une manière extraordinaire. La graisse qu'ils acquièrent en ce temps entre dans des préparations médicamenteuses, et est utile contre la chute des cheveux (XXXVII, 46). Ces quatorze jours écoulés, ils se tiennent assis, et vivent en suçant leur pattes de devant. Ils réchauffent leurs petits glacés, les serrant contre leur poitrine, non autrement que les oiseaux couvent leurs oeufs.
[3] Chose singulière! Théophraste (de Odor., p. 196) croit que la chair d'ours, même cuite, croît, si on la conserve, pendant le temps de leur retraite. Le même auteur dit que pendant l'hivernage on ne trouve aucune trace d'aliments; que leur ventre ne contient qu'une très petite quantité de liquide; qu'il n'y a quelques gouttes de sang que dans leur coeur (XI, 91) et que le reste du corps n'en contient pas. Ils sortent au printemps; les mâles sont alors très gras : la cause n'en est pas manifeste, le sommeil qui les engraisse ne durant, comme nous l'avons dit, que quatorze jours. A leur sortie ils avalent une certaine herbe nommée aros (XXIV, 92), pour s'ouvrir les intestins, qui sont resserrés, et ils domptent sur des scions leur bouche agacée, comme s'ils faisaient des dents (38).
[4] Leur vue s'affaiblit, et, pour cette cause surtout, ils recherchent les ruches, afin que le sang des mille blessures que leur feront les abeilles à la gueule emporte le poids qu'ils ont sur les yeux. La tête, la partie la plus forte chez le lion, est la plus faible chez les ours; aussi, serrés de près et sur le point de se précipiter de quelque rocher, ils s'élancent, se couvrant la tête avec les pattes; et souvent, dans le cirque, un coup de poing leur brise le crâne et les tue.
[5] On croit en Espagne que leur cervelle contient un maléfice; et on brûle les têtes de ceux qui sont tués dans les spectacles, étant attesté qu'en boisson la cervelle cause la rage d'ours. Les ours marchent aussi sur deux pieds; ils descendent des arbres à reculons. Ils se suspendent par les quatre pattes au mufle et aux cornes des taureaux, et en triomphent, les fatiguant par le poids. Aucun animal n'a une stupidité plus adroite pour le mal. On a noté dans les Annales que sous le consulat de M. Pison et de M. Messala (VII, 27), avant le 14 des calendes d'octobre (18 septembre), Domitius Ahenobarbus (XVII, 1), édile curule, exposa dans le cirque cent ours de Numidie et autant de chasseurs éthiopien. Il est étonnant qu'on ait ajouté : de Numidie, car il est certain que l'Afrique ne produit pas d'ours.
LV. Les rats du Pont et des Alpes.
(XXXVII.) [1] Les rats du Pont se cachent pendant l'hiver, mais seulement les rats blancs (gerboises) ; des auteurs ont dit que ces animaux avaient le goût très subtil: j'admire comment ils s'en sont assurés. Les rats des Alpes (marmottes), qui sont de la taille des blaireaux, se cachent aussi; mais ils portent préalablement du foin dans leurs cachettes. Quelques-uns racontent que le mâle et la femelle, tenant tour à tour un tas d'herbes entre leurs pattes, et étendus sur le dos, se tirent alternativement jusqu'à leur retraite par la queue, qu'ils saisissent avec les dents; et que pour cela ils ont le dos pelé dans cette saison. Il y a des rats semblables en Égypte (mus cahirinus): il se tiennent pareillement assis sur leur derrière, marchent sur leurs pattes postérieures (X, 85) (39), et se servent de celles de devant comme de main.
LVI. Des hérissons.
[1] Les hérissons font aussi des provisions pour l'hiver; ils se roulent sur les fruits qui couvrent le sol, les percent de leurs aiguillons, en prennent en outre un dans leur gueule, et regagnent, ainsi chargés, leur creux d'arbre. Ils annoncent, en se cachant dans leur retraite. que le vent va tourner du nord au midi. Quand ils s'aperçoivent de l'approche d'un chasseur, ils resserrent leur tête, leurs pattes et toute leur partie inférieure, qui n'est couverte que d'un duvet rare et inoffensif, et ils se roulent en boule, afin qu'on ne puisse les saisir que par leurs aiguillons.
[2] Réduits au désespoir, ils lâchent leur urine, qui est corrosive, et qui détériore leur peau et leurs aiguillons, parties pour lesquelles ils savent bien qu'on les poursuit. L'habileté du chasseur consiste donc à les prendre quand leur vessie vient d'être vidée; c'est alors que leur peau est meilleure, autrement elle est gâtée, aisée à déchirer; les ai guillons se pourrissent et tombent, même quand l'animal parviendrait à s'échapper. Aussi ne s'asperge-t-il du liquide vénéneux qu'à toute extrémité; car il hait lui-même le poison qu'il porte; il se ménage; il attend le dernier moment, et presque toujours il est pris avant de s'être décidé.
[3] On le force à se dérouler par des aspersions d'eau chaude; on le prend par un des pieds de derrière, et on le laisse mourir per la faim et par la suspension; on ne peut le tuer autrement et ménager sa peau. Cet animal n'est pas, comme on le pense en général, inutile aux hommes :sans ses aiguillons, ce serait en vain que les molles toisons des troupeaux nous seraient données; c'est cette peau qu'on laine les étoffes. La fraude et le monopole ont fait de grands profits sur cet objet; il n'en est pas qui ait provoqué des sénatus-consultes plus fréquents, et tout empereur a reçu à ce sujet les doléances des provinces.
LVII. Le léontophone, le lynx.
(XXXVIII.) [1] Deux autres animaux ont encore une urine douée de propriétés singulières. On nous parle d'un petit animal appelé léontophonos, et qui ne se trouve que là où se trouve le lion : cette bête formidable, ce roi des autres quadrupèdes expire sur-le-champ s'il goûte de sa chair; aussi brûle-t-on le corps du léontophonos, et on saupoudre de cette cendre comme d'une farine des morceaux de chair qui sont un appât pour le lion et qui lui donnent la mort, tant cet animal lui est funeste. Ainsi le lion le hait nom sans raison, l'écrase quand il le voit, et le tue sans le mordre; l'autre, pour se défendre, lâche son urine, sachant qu'elle est mortelle aussi au lion.
[2] L'urine de lynx, dans le pays où naît cet animal (VIII, 30), se cristallise et se solidifie en pierres semblables à des escarboucles, et d'un éclat de feu; on les appelle lyncurium (XXXVII, 11, 4): ainsi plusieurs pensent-ils que le succin se produit de la sorte. Les lynx savent très bien ce que devient leur urine; et par envie ils la recouvrent de terre, ce qui ne fait que la solidifier plus vite.
LVIII. Les blaireaux, les écureuils.
[1] Les blaireaux effrayés ont un autre expédient : ils distendent leur peau en se gonflant, et résistent ainsi aux coups des hommes et aux morsures des chiens. Les écureuils prévoient aussi la tempête, et, fermant leur bauge du côté d'où le vent doit souffler, ils en ouvrent la porte du côté opposé : au surplus, leur queue, garnie de plus de poils que le reste du corps, leur sert d'abri. Ainsi, parmi les animaux, les uns font des provisions pour l'hiver; le sommeil tient lieu de nourriture aux autres.
LIX. Des vipères et des limaçons.
(XXXIX.) [1] La vipère est, dit-on, le seul serpent qui s'enterre; les autres se cachent dans le creux des arbres ou des rocha; du reste, ils peuvent supporter le jeûne, même pendant un an, pourvu qu'ils ne sentent pas le froid : tous cessent d'être venimeux durant le temps de leur retraite.
[2] Les escargots se cachent aussi en hiver; ils ont un second sommeil pendant l'été, et ils adhèrent fortement aux pierres; ou, si une violence les fait tomber, ils ne sortent pas de leur coquille. Dans les îles Baléares une espèce, appelée escargot de trou, ne quitte pas les trous qu'elle habite dans la terre. Ces escargots ne vivent pas d'herbe; ils sont unis entre eux en forme de grappes. Il y en a une autre espèce moins commune, qui se couvre avec un opercule adhérent, de même matière que la coquille (helix neritoides, L.). Ceux-ci vivent toujours sous la terre; jadis on n'en trouvait qu'aux environs des Alpes maritimes ; maintenant on commence à en déterrer aussi dans le territoire de Vélitres : toutefois, les plus renommés sont ceux de l'île Astypalée.
LX. Les lézards.
[1] Les lézards, espèce très ennemie des escargots, ne vivent pas, dit-on, plus de six mois. Les lézards d'Arabie ont une coudée de long; dans l'Inde, sur la montagne Nysa, il y en a qui ont vingt-quatre pieds: leur couleur est fauve, ou pourpre, ou bleue.
Stephandra- Dans l'autre monde
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Re: Livre VIII, traitant des animaux terrestre
LXI. Naturel du chien; exemples de la fidélité de cet animal pour son maître. Quels sont ceux qui ont entretenu des chiens pour les faire combattre.
(XL.) [1] Parmi les animaux qui vivent en société avec nous, plusieurs sont dignes d'être connus, et, avant tous les autres, le chien, si fidèle à l'homme, et le cheval. Nous lisons qu'un chien combattit pour son maître contre des brigands, et que, percé de coups, il ne quitta pas le corps, dont il éloignait les oiseaux et les bêtes de proie; qu'un autre, en Épire, reconnut au milieu d'une assemblée le meurtrier de son maître, et le força d'avouer le crime par ses morsures et ses aboiements. Deux cents chiens ramenèrent de l'exil le roi des Garamantes, en combattant ceux qui s'opposaient à son retour. Les Colophoniens et les Castabaliens ont eu des cohortes de chiens dressés à la guerre; ces cohortes combattaient aux premiers rangs, sans se rebuter jamais ; c'étaient les auxiliaires les plus fidèles, et qui ne coûtaient point de solde.
[2] Les chiens, après le massacre des Cimbres, défendirent les maisons qui étaient portées sur des chariots. Le chien de Jason de Lycie refusa de manger après le meurtre de son maître, et se laissa mourir de faim. Le chien auquel Duris donne le nom d'Hyrcanien se jeta dans le bûcher qui consumait le corps du roi Lysimaque. Il en fut de même du chien du roi Hiéron. Philistus cite encore Pyrrhus, chien du tyran Gélon. On dit aussi que le chien de Nicomède, roi de Bithynie, déchira Condingis, femme de ce prince, parce qu'elle se livrait à des ébats avec son mari.
[3] Chez nous Vocatius, citoyen noble, qui enseigna le droit civil à Cascellius, revenant à cheval, le soir, de sa campagne, fut défendu par son chien contre un voleur. Le sénateur Caelius étant malade fut assailli à Plaisance par des hommes armés, qui ne purent le blesser qu'après avoir tué son chien. Mais le trait le plus remarquable est de notre temps, et attesté par les Actes du peuple romain : sous le consulat d'Appius Junius et de P. Silius (an de Rome 781), Titius Sabinus et ses esclaves furent mis à mort a cause de Néron, fils de Germanicus; un chien appartenant a un de ces esclaves ne put être ni chassé de la prison. ni éloigné du corps de son maître, qui avait été jeté sur les degrés des Gémonies. Là il poussait des hurlements lamentables, en présence d'une foule de citoyens romains : des aliments lui ayant été présentés par quelqu'un, il les porta à la bouche du mort; quand le cadavre eut été précipité dans le Tibre, il s'y jeta lui-même et s'efforça de le soutenir, sous les yeux d'une multitude accourue pour être témoin de la fidélité de cet animal.
[4] Seuls les chiens connaissent leur maître, et ils le devinent même revenant à l'improviste et gardant l'incognito. Seuls ils savent leur nom, seuls ils reconnaissent la voix des gens de la maison. Ils se rappellent les chemins qu'ils ont parcourus, quelque longs qu'ils soient. Aucun animal, excepté l'homme, n'a plus de mémoire. On arrête leur impétuosité et leur furie en s'asseyant a terre.
[5] Si l'homme a rencontré en eux plusieurs qualités utiles, c'est dans la chasse surtout qu'éclate leur adresse et leur intelligence. Les chiens trouvent les pistes et les suivent, conduisant vers la bête le chasseur qui les tient en laisse. Quand ils voient le gibier, comme ils l'indiquent par une expression significative, bien que silencieuse et circonspecte, par leur queue d'abord, puis par leur museau! Même vieux, aveugles et infirmes, on les porte dans les bras pour qu'ils éventent le gibier, et signalent avec leur museau sa retraite. Les Indiens font couvrir les chiennes par des tigres, et pour cela ils les attachent dans les bois quand elles sont en chaleur. Ils regardent la première et la seconde génération comme trop féroces; ils ne dressent que la troisième. Les Gaulois en font au-tant avec les loups. Leurs meutes ont pour chef et pour guide un chien né de ce commerce; la meute l'accompagne à la chasse, et lui obéit ; ces animaux connaissent, en effet, entre eux la subordination. Il est certain qu'ils ne boivent dans le Nil qu'en courant, de peur d'être victimes du crocodile.
[6] Alexandre le Grand marchant vers l'Inde, le roi de l'Albanie lui avait donné un chien d'une taille extraordinaire. Charmé de sa belle apparence, Alexandre ordonna qu'on lâchât devant lui des ours, des sangliers, et enfin des daims; l'animal resta immobile et dédaigneux. Tant de lâcheté dans un si grand corps offensa l'âme généreuse du conquérant; il fit tuer le chien. La nouvelle en vint au roi d'Albanie; celui-ci en envoya un autre à Alexandre, et lui fit dire d'éprouver ce chien, non pas contre de petits animaux, mais contre le lion ou l'éléphant; qu'il avait eu deux chiens de cette espèce et qu'il n'en resterait plus après la mort de celui-ci. Alexandre ne différa pas, et il vit aussitôt le lion mis en pièces; puis il fit amener un éléphant, et jamais spectacle ne lui causa autant de plaisir. En effet, le poil hérissé sur tout le corps, le chien commença par aboyer d'une manière terrible, puis il vint à l'attaque: se dressant contre le monstre tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, l'assaillant et l'évitant avec l'adresse nécessaire en un pareil combat, il le fit tant tourner que l'éléphant tomba, et sa chute ébranla la terre.
LXII. De la génération des chiens.
[1] La chienne porte deux fois dans l'année (X, 83, 7); elle est en état de produire à un an. La gestation est de 60 jours. Les petits naissent aveugles; plus le lait de leur mère est abondant, plus ils commencent à voir tardivement, sans ce-pendant qu'ils voient plus tard que le vingt et unième jour, plus tôt que le septième. Quelques-uns rapportent que s'il n'y a qu'un petit il voit le neuvième jour; s'il y en a deux, le dixième, ainsi de suite, un jour de retard pour chaque petit. On dit aussi que les femelles de la première portée sont sujettes à avoir des rêves. Le meilleur chien d'une portée est celui qui y voit le dernier, ou que la mère emporte le premier dans la niche.
LXIII. Remèdes contre la rage.
[1] La rage qui attaque les chiens pendant les ardeurs de la Canicule est funeste à l'homme, comme nous l'avons dit (VII, 13); les personnes mordues sont en proie à une hydrophobie mortelle (XXIX, 32). On prévient cette maladie chez les chiens en mêlant pendant les trente jours de la Canicule, de la fiente de poule à leurs aliments: ou si la maladie a pris les devants, on les guérit avec l'ellébore.
[2] (XLI.) Le seul remède contre la morsure du chien enragé a été Indiqué récemment comme par un oracle (XXV, 6) : c'est la racine de rosier sauvage, qu'on appelle cynorhodon. Columelle (de Re rust., VII, 12) prétend que si quarante jours après la naissance des chiens on leur coupe la queue avec les dents, et qu'on enlève la dernière articulation avec le nerf qui y est attenant, la queue ne croit plus, et les chiens ne deviennent pas enragés. On rapporte comme un prodige (c'est pour cela que je le note) qu'un chien parla, et qu'au temps de l'expulsion des Tarquin un serpent aboya.
LXIV. Naturel des chevaux.
(XLII.) [1] Alexandre eut aussi un cheval extraordinaire; on l'appelait Bucéphale, soit à cause de son aspect farouche, soit à cause d'une tête de taureau dont il avait l'empreinte sur l'épaule. On dit qu'il fut acheté au prix de treize ta lents (40): dans le haras de Phlionicus, de Pharsale : le prince, encore enfant, s'était épris de la beauté de cet animal. Bucéphale, couvert de la selle royale, ne recevait qu'Alexandre; autre-ment, il se laissait monter par le premier venu.
[2] On cite un de ses exploits dans les combats : blessé à la prise de Thèbes, il ne permit pas qu'Alexandre montât sur un autre cheval; et beaucoup de traits semblables, pour lesquels le roi lui fit des funérailles après sa mort, et bâtit autour de son tombeau une ville à laquelle il donna le nom de ce cheval (VI, 23). On rapporte aussi que le cheval du dictateur César ne se laissa jamais monter par un autre, et qu'il avait les pieds de devant semblables à des pieds humains: c'est ainsi que cet animal est représenté devant le temple de Vénus Génitrix.
[3] Le dieu Auguste éleva aussi à son cheval un tombeau, dont Germanlcus César a fait le sujet d'un poème. A Agrigente, les tombeaux de plusieurs chevaux ont des pyramides. Juba rapporte que Sémiramis aima un cheval au point d'avoir des rapports sexuels avec lui. Les cavaliers scythes racontent mille faits glorieux de leurs chevaux. Un petit prince ayant péri dans un combat singulier, le vainqueur vint pour le dépouiller; mais le cheval du vaincu le tua a coups de pieds et de dents. Un autre, à qui on découvrit les yeux, ayant reconnu qu'il s'était accouplé avec sa mère, courut à des précipices et se tua.
[4] Nous lisons que pour la même cause une jument, dans le territoire de Réate, mit en pièces l'homme qui fait saillir les cavales. Ces animaux, en effet, comprennent les liens de la parenté; et, dans une troupe, la pouliche de l'an-née précédente accompagne sa soeur plus jeune, plus volontiers que ne fait la mère elle-même. Leur docilité est telle, que toute la cavalerie de l'armée des Sybarites exécutait, dit-on, une espèce de danse au son des instruments.
[5] Ils voient la bataille; ils s'affligent de la mort de leurs maîtres, et leurs regrets vont quelquefois jusqu'à leur faire verser des larmes. Le roi Nicomède ayant été tué, son cheval se laissa mourir de faim. Phylarque rapporte que Ceutaretus, de la nation des Galates, ayant tué Antiochus dans un combat, s'empara de son cheval et le monta, en signe de triomphe; mais l'animal fut tellement indigné, que, maîtrisant le frein, pour ne pas s'en laisser diriger, il se lança dans des précipices, et s'y tua avec le cavalier. PhIlostus raconte que, Denys ayant abandonné son cheval embourbé, celui-cl, dès qu'il se fut dégagé, suivit les pas de son maître: un essaim d'abeilles était attaché à sa crinière; et, sur ce prodige, Denys s'empara de la tyrannie.
LXV. De leur Instinct. Choses merveilleuses sur des quadriges.
[1] On ne saurait dire combien les cavaliers qui lancent des javelots reçoivent de preuves de l'instinct des chevaux, l'animal se prêtant aux mouvements difficiles. et les aidant par ses attitudes et par ses efforts. Il va même jusqu'à présenter à son cavalier les javelots qui gisent à terre. Dans le Cirque, les chevaux attelés aux chars montrent, d'une manière non douteuse, qu'ils sont sensibles aux exhortations et à la gloire. Lors de la célébration des jeux séculaires dans le Cirque, sous l'empereur Claude, Corax, cocher de la faction blanche, fut jeté par terre an départ : les chevaux prirent le premier rang et le gardèrent, s'opposant, se lançant, et faisant contre leurs rivaux tout ce qu'ils auraient pu faire avec le plus habile conducteur; on rougissait de voir des chevaux l'emporter en habileté sur des hommes: eux cependant, ayant fourni la carrière, s'arrêtèrent à la ligne de craie (XXV, 58) qui sert de limite.
[2] Ce fut un trait plus remarquable (et les anciens y virent un augure) quand, le cocher ayant été jeté par terre dans des jeux plébéiens du Cirque, les chevaux coururent au Capitole comme s'il avait été sur le char, et firent trois fois le tour du temple. Enfin, ce qui fut le plus grand augure, les chevaux de Ratumena, vainqueur à Véies, qui fut précipité en bas du char, arrivèrent à Rome avec la palme et la couronne : c'est de là que vient le nom de la porte Ratumena.
[3] Les Sarmates, sur le point de faire de longues routes, préparent dès la veille leurs chevaux par l'abstinence, ne leur accordant qu'un peu de boisson; ils les montent ainsi préparé, et parcourent cent cinquante milles tout d'une traite. Quelques chevaux vivent cinquante ans; les juments vivent moins; elles ont toute leur croissance à cinq ans, les mâles à un an de plus. Virgile (Georg. III, 72) a décrit en vers admirables les formes qu'il faut le plus rechercher dans les chevaux. J'en ai parlé moi-même dans le livre que j'ai composé sur l'exercice équestre du javelot, et je vois qu'on est généralement d'accord sur ce point. Mais pour le Cirque on suit des règles différentes. Aussi ne les y reçoit-on pas au combat avant cinq ans, tandis que pour les autres services on commence à les dresser à deux ans.
LXVI. Génération des chevaux.
[1] Les juments portent onze mois pleins; elles mettent bas au douzième. Le temps de l'accouplement est à l'équinoxe du printemps, à deux ans ordinairement pour les deux sexes; mais après trois ans le produit est plus robuste. L'étalon engendre jusqu'à trente trois ans; et en effet c'est après leur vingtième année que du Cirque on les envoie saillir les juments. On prétend qu'à Opunte il y eut un étalon qui servit jusqu'à quarante ans; seulement on lui aidait en soulevant la partie antérieure de son corps. Il est peu d'animaux qui aient moins de vertu prolifique; aussi ne permet-on que par intervalles l'accouplement aux étalons, et encore un cheval ne peut pas dans la même année féconder quinze femelles.
[2] On éteint la chaleur des juments en leur coupant la crinière; elles produisent tous les ans jusqu'à leur quarantième année. On rapporte qu'au cheval a vécu soixante-quinze ans. Dans cette espèce la femelle met bas debout; elle a un attache-ment tout particulier pour son poulain ; et, de fait, les poulains apportent eu naissant une substance qui entre dans la composition des philtres amoureux; on rappelle hippomane (XXVIII, 11). Cette substance est sur le front, de la grosseur d'une figue, et d'une couleur noire. La mère la dévore aussitôt après avoIr mis bas, ou bien elle ne laisse pas téter le poulain.
[3] Si, prévenant la jument, on enlève l'hippomane, il suffit de le faire flairer, conservé, pour exciter une rage dans l'espèce chevaline. Quand dans un haras un poulain perd sa mère, l'orphelin est élevé par les autres cavales qui ont des petits. On dit que le cheval ne peut toucher la terre avec sa bouche que trois jours après sa naissance. Plus un cheval est ardent, plus il enfonce ses naseaux en buvant. Les Scythes préfèrent les juments pour la guerre, parce qu'elles peuvent uriner sans cesser de courir.
Stephandra- Dans l'autre monde
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LXVII. Cavales concevant par l'influence du vent.
[1] Il est certain qu'en Lusitanie, dans les environs de Lisbonne et du Tage, les juments se tournant du côté d'où vient le Favonius aspirent son souffle fécondant, qu'elles deviennent pleines, et que les poulains qu'elles mettent bas sont extrêmement rapides à la course, mais que leur vie ne dépasse pas trois ans. Dans la même Espagne, la Galicie et l'Asturie produisent des chevaux de l'espèce que nous appelons thieldons, et astureons quand ils sont plus petits. Ces chevaux n'ont pas une marche ordinaire, mais leur allure est douce, et résulte du mouvement simultané des deux jambes d'un même côté; c'est d'après eux qu'on est parvenu à dresser les chevaux à aller l'amble. Le cheval a à peu près les mêmes maladies que l'homme; de plus, il est sujet au déplacement de la vessie (cystocèle), de même que toutes les bêtes de somme.
LXVIII. Des ânes; génération de ces animaux.
(XLIII) [1] M. Varron (de Re rust., III, 2) rapporte que le sénateur Q. Axius acheta un âne 400.000 sesterces (84,000 f) : je ne sais si jamais animal a été acheté à si haut prix. Cette espèce rend sans aucun doute des services merveilleux; elle sert même au labourage (XVII, 3); mais son principal emploi est d'engendrer des mules. On tient compte aussi de leur origine : en Grèce les ânes de l'Arcadie, en Italie les ânes de Réate sont les plus estimés. Ces animaux supportent très mal le froid: aussi ne se reproduisent-ils pas dans le Pont, et ils s'accouplent non pas comme les autres bestiaux à l'équinoxe du printemps, mais au solstice d'été. Les mâles qui ne travaillent pas sont moins propres la génération.
[2] Produire à trente mois est une extrême précocité pour une ânesse; l'âge de trois ans est l'âge régulier: elle ne fait pas un plus grand nombre de petits que la cavale; elle met bas au bout du même nombre de mois, et de la même manière; mais l'utérus, inhabile à retenir, rend le fluide séminal si on ne force par des coups l'ânesse à courir aussitôt après l'accouplement. Elle engendre rarement deux petits; près de mettre bas, elle fuit la lumière et cherche les ténèbres, afin de n'être pas vue par l'homme.
[3] Les ânesses produisent pendant toute leur vie, qui va jusqu'à trente ans. Elles aiment passionnément leurs petits, mais leur répugnance pour l'eau est encore plus forte : elles marchent sur le feu pour aller vers leur poulain; et si le moindre ruisseau les en sépare, leur horreur est telle, qu'elles ne veulent pas même se mouiller les pieds. Dans les pâturages elles ne boivent qu'aux sources accoutumées, et encore faut-Il que le chemin qui y mène soit sec; elles ne passent pas les ponts dont les planches disjointes laissent entrevoir l'eau. Chose singulière ! tout altérées qu'elles seront, il faut, si on change leurs eaux, la contrainte ou la prière pour obtenir qu'elles boivent. Elles ont besoin d'un endroit spacieux pour se coucher : en effet, elles rêvent dans leur sommeil, et frappent souvent de pied; si le coup ne porte pas à vide et qu'il rencontre un corps dur, elles deviennent aussitôt boiteuses.
[4] Le revenu qu'elles donnent dépasse celui d'un bien-fonds considérable: on sait qu'en Celtibérie des ânesses ont produit des poulains pour 400.000 sesterces. On dit que la couleur des poils des oreilles et des paupières influe particulièrement sur la couleur des mules, en effet, quoique l'âne soit d'une couleur uniforme sur tout le corps, la mule reproduit néanmoins toutes les couleurs que ces poils présentent. Mécène introduisit l'usage de la chair d'ânon, et de son temps on la préférait beaucoup à celle des onagres; après lui, elle passa de mode. Un âne qui en voit mourir un autre meurt promptement.
LXIX. Naturel des mules et des autres bêtes de somme; leur génération.
(XLIV.) [1] L'accouplement de l'âne et de la jument donne naissance, au treizième mois de la portée, à la mule, animal excellent au travail. Pour obtenir ce produit, on choisit des juments qui ne sont ni au-dessous de quatre ans, ni au-dessus de dix. On assure que ces deux animaux se repoussent l'un l'autre si le mâle (41) n'a pas sucé le lait de l'espèce qui fournit la femelle; aussi fait-on, à la faveur de la nuit, une substitution de poulains entre les juments et les ânesses.
[2] Mais l'accouplement du cheval et le l'ânesse donne une mule indocile, et d'une paresse incorrigible. Dans cette espèce de mules, tout est lent comme cher les vieux animaux. La femelle qui a conçu d'un cheval, si elle s'accouple subséquemment avec un âne, avorte ; il n'en est pas de même de la femelle qui, ayant conçu d'un âne, s'accouple avec un cheval. On a observé que les ânesses conçoivent le mieux sept jours après avoir mis bas, et que les étalons fatigués par le travail sont plus propres à la reproduction. L'ânesse qui n'a pas conçu avant d'avoir perdu les dents qu'on appelle dents de lait est regardée comme stérile; il en est de même de celle qui n'a pas engendré au premier accouplement.
[3] Les anciens appelaient hinnus les mâles nés d'un cheval et d'une ânesse, et, au contraire, mulets les mâles nés d'un âne et d'une cavale. L'expérience a montré que le produit de deux espèces différentes est d'une troisième espèce, et ne ressemble ni à l'un ni à l'autre des parents; que tout hybride est impropre à la génération, et que pour cette raison les mules ne produisent pas. On trouve dans nos Annales plusieurs exemples de mules qui ont mis bas; mais cela a été regardé comme un prodige.
[4] Théophraste dit qu'elles produisent ordinairement dans la Cappadoce, mais que là c'est un animal d'une espèce particulière (42) On empêche une mule de ruer en lui faisant souvent boire du vin (XXX, 53). On lit dans quelques livres grecs que l'accouplement d'un mulet avec une cavale a produit l'animal appelé ginnus, c'est-a-dire petit mulet. La cavale et l'onagre apprivoisé engendrent des mules rapides à la course, dont le pied est singulièrement dur, mais dont le corps est maigre et le naturel indomptable; au lieu qu'un étalon né d'un onagre et d'une ânesse est préférable à tous les autres.
[5] Les plus beaux onagres sont en Phrygie et en Lycaonie. L'Afrique se vante de produire les poulains d'onagres dont le goût est le meilleur; on les appelle lalisions. Les livres des Athéniens font foi qu'un mulet a vécu quatre-vingts ans : les Athéniens, pendant qu'ils bâtissaient le temple dans la citadelle, satisfaits de le voir, bien que laissé de côté à cause de sa vieillesse, encourager de sa compagnie et de ses efforts les bêtes de somme qui montaient, rendirent un décret pour que les marchands de grains ne l'écartassent pas des cribles (43).
LXX. Des bœufs, et de leur génération.
(XLV.) [1] Les boeufs de l'Inde ont, dit-on, la taille des chameaux, et leurs cornes ont quatre pieds d'écartement. Dans notre hémisphère, les boeufs de l'Épire sont les plus vantés. On doit, dit-on, cette belle espèce au roi Pyrrhus ; il l'obtint en ne permettant pas l'accouplement aux femelles avant quatre ans; de la sorte, il eut des produits de très haute taille, et il y a encore aujourd'hui des restes de cette race. Mais maintenant on demande des produits aux génisses d'un an, ou du moins de deux ans, et l'accouplement à des taureaux de quatre. Chaque taureau féconde dix vaches dans la même année.
[2] On prétend que si après l'accouplement le taureau s'en va à droite, le produit est un mâle; une femelle, s'il s'en va à gauche. La conception est le résultat d'un seul accouplement ; si par hasard elle a manqué, la femelle revient au mâle au bout de vingt jours. Les vaches mettent bas le dixième mois; ce qui naît avant ce terme ne s'élève pas. Des auteurs disent qu'elles vêlent juste le dernier jour du dixième mois. Elles font rarement deux veaux. Le temps de la chaleur est de trente jours, à par tir du lever de la constellation du Dauphin, c'est-à-dire (XVIII, 64) de la veille des nones de janvier (4 janvier). Quelques vaches entrent aussi en chaleur pendant l'automne: de la sorte, les nations qui vivent de lait ont cet aliment pendant toute l'année. Les taureaux ne s'accouplent pas plus de deux fois en un jour.
[3] Les boeufs sont de tous les animaux les seuls qui paissent aussi en rétrogradant; chez les Garamantes ils ne paissent même pas autrement. Pour la femelle, la vie est au plus de quinze ans; pour le mâle, de trente. L'âge de la force est cinq ans (44). On assure qu'on les engraisse en les faisant baigner dans l'eau chaude, et en insufflant leur corps de l'air, à l'aide d'un roseau et d'une incision faite a leur peau. Il ne faut pas mépriser même les espèces qui ont le moins d'apparence.
[4] Dans les Alpes les vaches ont beaucoup de lait, bien que leur taille soit très petite; et les boeufs font beaucoup de travail, attelés par la tête et non par le cou. Les boeufs de Syrie n'ont pas de fanon, mais ils ont une bosse sur le dos. Les boeufs de la Carie, province d'Asie, sont d'un aspect repoussant; ils ont une bosse sur les épaules au défaut du cou; leurs cornes sont mobiles; on les dit excellents au travail. Au reste, les boeufs noirs ou blancs sont regardés comme d'un mauvais service. Les taureaux ont les cornes plus petites et plus minces que les boeufs. On dompte les boeufs à trois ans; après c'est trop tard, avant c'est trop tôt. Le mieux pour les dresser, c'est de les atteler avec un boeuf dompté. Car, pour compagnon dans le travail et la culture des champs, nous avons cet animal, si précieux aux yeux des anciens, qu'on cite l'exemple d'une condamnation prononcée, sur assignation, par le peuple romain contre en citoyen qui avait tué un boeuf pour faire manger des tripes à un impudent giton qui, à la campagne, disait n'avoir jamais mange de ce plat. Il fut exilé, comme sil avait tué son colon.
[5] Le taureau a le regard fier, le front menaçant, les oreilles garnies de longs poils, les cornes dressées, et appelant le combat; mais c'est par les pieds de devant qu'Il annonce sa colère : quand il commence à s'irriter, il s'arrête, repliant alternati vement les jambes et se jetant du sable sous le ventre; c'est le seul animal qui s'excite ainsi. Nous en avons vu combattre par l'ordre d'un maître, et pour cette raison on les montrait en spectacle: ils faisaient la roue, tombant sur leurs cornes, puis se relevant; d'autres fois étendus à terre ils se laissaient enlever, et même ils se tenaient comme des cochers sur un char, qu'un attelage de deux chevaux entraînait rapidement.
[6] Ce sont les Thessaliens qui ont trouvé le moyen de tuer les taureaux en s'en approchant sur un cheval au galop et en leur tordant le cou par les cornes. Le dictateur César a le premier donné ce spectacle à Rome. C'est l'espèce bovine qui fournit les victimes opimes et les sacrifices les plus magnifiques pour apaiser les dieux. De tous les animaux qui ont une longue queue, c'est le seul chez qui elle n'ait pas, dès la naissance, une longueur proportionnée à ce qu'elle sera; chez lui seul elle croît jusqu'à ce quelle touche l'extrémité des pieds;
[7] aussi n'accepte-t-on pour victime un veau que lorsque le bout de la queue touche le jarret; on le rejette si la queue n'y atteint pas. On a aussi noté que le sacrifice d'un veau apporté aux autels sur les épaules d'un homme n'est guère agréable aux dieux; qu'ils n'acceptent pas non plus une victime boiteuse, une victime qui ne leur soit pas particulière, une victime qui fasse effort pour s'éloigner de l'autel. Les anciens ont souvent inscrit parmi les prodiges qu'un boeuf a parlé; à cette nouvelle, le sénat avait coutume de tenir séance en plein air.
LXXI. Apis en Egypte.
(XLVI.) [1] En Égypte, un boeuf est même honoré comme une divinité; on l'appelle Apis. Ce qui le fait reconnaître, c'est une tache blanche sur le côté droit, et semblable au croissant de la lune nouvelle ; sous sa langue est une nodosité que les Égyptiens appellent scarabée (XXX, 30). Il est défendu qu'il vive plus d'un certain nombre d'années; on le tue en le noyant dans la fontaine des prêtres, pour en aller chercher, au milieu du deuil général, un autre qu'on lui substitue. Tant qu'on ne l'a pas trouve les Égyptiens sont dans l'affliction: ils se rasent même la tête; et cependant on ne cherche jamais longtemps le nouvel Apis.
[2] Trouvé, il est amené à Memphis par les prêtres; il a pour demeure deux temples, qu'on appelle thalames (45), et qui servent d'augures à l'Égypte: l'augure est favorable s'il entre dans l'un, funeste s'il entre dans l'autre. Il donne des réponses aux particuliers, en prenant des aliments de la main de ceux qui le consultent. Il se dé tourna de la main de Germanicus, qui ne tarda pas à mourir. Ordinairement renfermé, il marche, quand il se montre en public, avec des licteurs écartant la foule; il est entouré d'une troupe d'enfants qui chantent des hymnes en son honneur; il paraît le comprendre, et vouloir qu'on l'adore.
[3] Ces bandes qui l'accompagnent, saisies d'un enthousiasme soudain, prédisent l'avenir. On lui présente une fois par an une vache qui a aussi ses marques, bien que différentes; et on dit que le jour où on la trouve est aussi celui de sa mort. Il est à Memphis, dans le Nil, un endroit qu'on appelle Phiala (fiole) à cause de sa configuration : tous les ans on y jette une coupe d'or et une d'argent, aux jours où l'on célèbre la naissance d'Apis; ces jours sont au nombre de sept, et, chose singulière, pendant ce temps le crocodile n'attaque personne : le huitième jour, après la sixième heure (midi) le monstre reprend sa férocité.
LXXII. Des bêtes à laine et de leur génération.
(XLVII.) [1] Les moutons sont aussi très estimés, soit pour les victimes qu'ils fournissent aux dieux, soit pour les toisons qu'ils donnent. Si les bœufs cultivent les champs qui nourrissent l'homme, nous devons aux moutons ce qui protège nos corps. Les mâles et les femelles sont aptes à la génération depuis deux ans jusqu'à neuf, quelquefois jusqu'à dix; les agneaux de la première portée sont plus petits. Ces animaux sont en chaleur depuis le coucher d'Arcturus, c'est à-dire le troisième jour avant les ides de mai (13 mai) (XVIII, 67) jusqu'au coucher de la constellation de l'Aigle, le 10 des calendes d'août (23 juillet) (XVIII, 69). La gestation dure cent cinquante jours : dépassant ce terme, les petits sont sans force; les anciens appelaient cordi ces agneaux tardifs.
[2] Plusieurs préfèrent les agneaux d'hiver à ceux du printemps, parce qu'il vaut mieux qu'ils soient forts avant le solstice d'été que forts avant le solstice d'hiver; c'est le seul animal qui se trouve bien de naître en hiver. Le bélier dédaigne les jeunes brebis, et recherche les vieilles; lui-même il vaut mieux à un âge avancé, et, privé de ses cornes, il rend encore plus de services. On réduit sa pétulance en lui perçant une corne près de l'oreille. Le testicule droit lié, il engendre des femelles; le testicule gauche, des mâles. Le bruit du tonnerre fait avorter les brebis pleines qui se trouvent isolées; on prévient cet accident en les réunissant; la compagnie les préserve.
[3] On dit que pendant le vent du nord les conceptions sont de mâles, et de femelles pendant le vent du midi. Dans celte espèce on considère surtout la bouche du mâle; car la couleur de ses veines sublinguales se reproduit dans la toison des agneaux, qui a plusieurs nuances si ces veines en ont plusieurs: le changement d'eau et de boisson fait aussi varier la couleur de la laine. Il y a deux espèces principales de moutons, l'espèce qu'on couvre et celle qu'on laisse exposée à l'air (XXVI, 62); la première a la toison plus molle, l'autre est plus difficile pour ses pâturages, l'espèce qu'on couvre broutant même des ronces. Les meilleures couvertures pour les brebis sont de laine d'Arabie.
Stephandra- Dans l'autre monde
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Re: Livre VIII, traitant des animaux terrestre
LXXIII. Variétés de la laine et de ses rouleurs.
(XLVIII.) [1] La laine la plus renommée est celle d 'Apulie; en second lieu, celle qu'on appelle laine grecque en Italie, et ailleurs laine italienne; en troisième lieu, la laine de Milet. La laine d'Apulie est courte, et n'est célèbre que pour la fabrication des paenula (manteaux contre la pluie). On estime le plus celle des environs de Tarente et de Canusium; et, en Asie, une laine de même espèce, celle de Laodicée (V., 29). Aucune laine blanche n'est préférée à celle des environs du Pô. Jusqu'à présent aucune laine n'a dépassé cent sesterces (21 fr.) la livre.
[2] On ne tond pas partout les moutons; on a conservé dans quelques lieux l'usage d'arracher la laine. Elle a différentes couleurs; on n'a pas même assez de mots pour en dénommer les variétés. L'Espagne fournit plusieurs sortes de laines dites naturelles; la laine noire naturelle la plus estimée vient de Pollentia près des Alpes; l'Asie, ainsi que la Bétique, envoie la rousse, qu'on appelle Érythrée; Cunusium envoie la fauve, et Tarente, la brune. Toutes les laines en suint ont une vertu médicamenteuse (XXIX, 9). La laine de l'Istrie et de la Liburnie ressemble plus à du poil qu'a de la laine; elle ne peut servir à la fabrication des étoffes à long poils,
[3] non plus que celle que Salacie en Lusitanie recommande pour les étoffes à carreau. La laine de Piscène (Pézenas), dans la province Narbonnaise, est semblable; semblable aussi est celle d'Égypte, avec laquelle on garnit les habits usés et on les fait durer encore longtemps. La bourre de laine est, de toute antiquité, en faveur pour les tapis. Homère (Od., IV, 427) nous montre que les anciens s'en servaient déjà. Les Gaulois et les Parthes ont chacun une manière différente de les broder. En foulant la laine on fait le feutre, étoffe qui, imbibée de vinaigre, résiste au fer même (46) ; bien plus, la laine résiste au feu dans le dernier apprêt qu'elle subit, car elle sort des chaudières des dégraisseurs pour être employée à faire des matelas, invention qui, je crois, est gauloise; du moins est-ce par des noms gaulois qu'on distingue les espèces de matelas (XIX, 2): je ne puis dire à quelle époque l'usage en a commencé.
[4] Les anciens couchaient sur une paillasse comme celle dont on se sert encore aujourd'hui dans les camps. Les gausapes (47) ont commencé du temps de mon père; les amphimalles, de mon temps, ainsi que les ceintures à longs poils. Quant à la tunique laticlave en forme de gausape c'est une mode qui ne fait que de naître. Les laines noires ne prennent aucune couleur; quant à la teinture des autres, nous en parlerons en son lieu, lorsque nous passerons en revue les coquillages marins (IX, 62) ou les plantes (XXI, 22).
LXXIV. Diverses étoffes pour vêtements.
[1] M. Varron rapporte, comme témoin oculaire, que de la laine sur la quenouille et le fuseau de Tanaquil, qui fut aussi appelée Caïa Caecilia, se voyait encore de son temps dans le temple de Sangus; et dans le temple de la Fortune une robe royale ondée quelle avait faite, et que Servius Tullius avait portée. C'est pour cela que les jeunes filles qui se marient ont avec elles une quenouille garnie et un fuseau chargé. Tanaquil trouva l'art de faire une tunique droite (tissée de haut en bas), telle que celle que les jeunes gens et les nouvelles mariées prennent avec la toge sans bordure. Les étoffes ondées furent d'abord les plus estimées, puis vinrent les étoffes sororiculees (48). Fénestella dit que les toges à poil ras et les toges phryxianes (49) commencèrent dans les dernières années du dieu Auguste. Les étoffes d'un tissu serré, préparées avec le pavot (XIX, 4 ; XX, 78), ont une origine plus ancienne; le poète Lucillus les avait déjà reprochées à Torquatus.
[2] Les robes prétextes ont été inventées chez les Étrusques. Je lis que les rois portèrent la trabée (IX, 63). Homère (Il, III, 125) parle des étoffes brodées, d'où viennent les étoffes triomphales (IX, 60). Les phrygiens ont trouvé l'art de broder à l'aiguille ; c'est pur cela que ces ouvrages sont appelés Phrygioniens. C'est encore dans l'Asie que le roi Attale a trouvé le moyen de joindre des fils d'or aux broderies, d'où ers étoffes ont été appelées attaliques (XXXIII, 29). Babylone est très célèbre pour la fabrication des broderies de diverses cou-leurs, d'où le nom des broderies babyloniennes. Alexandrie a inventé l'art de tisser à plusieurs lisses les étoffes qu'on appelle brocarts; la Gaule, les étoffes à carreaux.
[3] Déjà, dans les accusations portées par Métellus Sciplon contre Caton, figurent des couvertures babyloniennes de lit de table vendues 800.000 sesterces (168.000 fr.) ; et tout récemment Néron a payé ces mêmes étoffes 4.000.000 de sesterces (840.000 fr.). Les prétextes dont Servius Tullus avait recouvert la statue de la Fortune. consacrée par lui, ont duré jusqu'a la mort de Séjan : il est singulier que pendant cinq cent soixante ans elles n'aient ni changé ni été attaquées par les insectes. Nous avons vu nous même des toisons sur l'animal vivant, teintes en pourpre, en écarlate et en violet, une demi-livre de chaque (50), comme si la nature les produisait ainsi pour la satisfaction du luxe.
LXXV. De la forme des moutons. Du musmon.
[1] Une brebis a assez de race quand elle a les jambes courtes et le ventre couvert de laine; celles dont le ventre est nu, appelées par les anciens apiques, étaient réprouvées. En Syrie, la queue des moutons est d'une coudée, et c'est là que se trouve le plus de laine. On regarde comme prématuré de châtrer les agneaux avant cinq mois. (XLIX.) Il y a en Espagne, et surtout en Corse, une espèce qui ne diffère pas beaucoup du mouton; on l'appelle musmon (moufflon); le poil de cet animal se rapproche plus de celui de la chèvre que de la toison de la brebis.
[2] Les anciens appelaient Umbres les produits du musrnon et de la brebis. La partie la plus faible chez le mouton est la tête; aussi faut-il le faire paître le dos tourné au soleil (XVIII, 76). Les animaux à laine sont les plus stupides: pour les faire aller la où ils craignent d'aller il suffit d'en entraîner un par la corne. Leur vie la plus longue est de dix ans, de treize en Éthiopie; la chèvre, en Éthiopie aussi, vit onze ans, tandis qu'elle n'en vit guère que huit dans les autres pays. Dans ces deux espèces la conception n'exige pas plus de quatre accouplements.
LXXVI. Naturel des chèvres et leur génération.
(L) [1] Les chèvres mettent bas jusqu'à quatre petits, mais cela est très rare; elles portent cinq mois comme les brebis; l'embonpoint les rend stériles; elles donnent des produits moins robustes avant trois ans et après quatre, où commence leur vieillesse. Ces animaux peuvent engendrer dès le septième mois, pendant qu'ils tètent encore; dans l'un et l'autre sexe, les meilleurs sont les individus privés de cornes. Le premier accouplement de la journée ne féconde pas les femelles; le suivant et les autres sont plus efficaces. Les chèvres d'un an conçoivent quelquefois en novembre pour mettre bas en mars, quand les arbrisseaux bourgeonnent; les chèvres de deux ans conçoivent toujours à cette époque; mais cela ne vaut rien pour celles de trois ans. Les chèvres produisent pendant huit ans : le froid les fait avorter.
[2] Pour se dégager les yeux pleins de sang, la chèvre se pique ces organes avec un jonc aigu, et le bouc avec un aiguillon de ronce. Mucianus dit avoir été témoin d'un trait prouvant l'intelligence de ces animaux : Deux chèvres se rencontrèrent sur un pont très étroit; tourner sur soi-même n'était pas possible, non plus que marcher à reculons sur un espace resserré très long, au-dessus d'un torrent rapide et menaçant : une des chèvres se coucha, et l'autre passa par-dessus On estime le plus les boucs au nez court, aux oreilles longues et pendantes, aux épaules très velues. Le caractère recherché dans la femelle, c'est deux mamelons charnus qui pendent au cou.
[3] Elles n'ont pas toutes des cornes; chez celles qui en ont, le nombre des nœuds des cornes indique le nombre des années : les chèvres sans cornes donnent plus de lait. Archélaüs prétend qu'elles respirent par les oreilles et non par les narines, et qu'elles ont toujours la fièvre; c'est peut-être pour cela qu'elles ont l'haleine plus chaude que les brebis, et qu'elles sont plus lascives. Ou dit qu'elles ne voient pas moins la nuit que le jour, et qu'en mangeant du foie de bouc (XXVIII, 11) ceux qu'on appelle nyctalopes (XXVIII, 47) recouvrent la faculté de voir le soir. En Cilicie et autour des Syrtes, le poil qui les couvre se tond.
[4] On assure que lorsque le soleil est sur le point de se coucher les chèvres dans les pâturages ne se regardent pas l'une l'autre, et qu'elles se reposent en se tournant le dos; mais que dans les autres heures du jour elles se font face, et se réunissent par familles. Il leur pend à toutes, sous le menton, une barbe qu'on appelle aruncus : si on en saisit une du troupeau par la barbe, et qu'on l'entraîne, les autres regardent, frappées de stupeur; il en arrive autant lorsqu'une d'entre elles mord une certaine herbe Leur dent est nuisible aux arbres; en léchant l'olivier (XVII, 37, 17), elles le rendent stérile: et c'est pour cela qu'on ne les immole pas à Minerve.
LXXVII. Des porcs.
(LI.) [1] Les porcs entrent en chaleur du Favonius à l'équinoxe du printemps. Ils commencent à se reproduire au huitième mois, dans quelques lieux même au quatrième, et cela dure jusqu'à huit ans. Il y a deux portées par an; la durée de la gestation est de quatre mois; le nombre des petits de chaque portée va jusqu'à vingt, mais la mère n'en peut nourrir un aussi grand nombre. Nigidius rapporte pendant dix jours, aux environs du solstice d'hiver, ils ont des dents aussitôt en naissant. La femelle est fécondée par un seul accouplement, qui se renouvelle aussi, à cause de la facilite avec laquelle elle avorte; on prévient cet accident en ne lui donnant le mâle ni la première fois quelle entre en chaleur, ni avant qu'elle ait les oreilles pendantes.
[2] La mâles n'engendrent pas au delà de trois ans. Les femelles affaissées par la vieillesse s'accouplent couchées; quelquefois elles dévorent leurs petits, sans que cela soit considéré comme un prodige. Pour le sacrifice un cochon de lait est pur au cinquième jour, un agneau au huitième, un veau au trentième. Coruncanus a soutenu que les victimes prises parmi les animaux ruminants n'étaient pas pures avant d'avoir deux dents. On pense que le porc meurt promptement quand il perd un oeil. La vie de cet animal va jusqu'a quinze ans, quelquefois jusqu'à vingt; mais il est sujet à devenir furieux, et est exposé à diverses maladies, surtout à l'angine et à la ladrerie.
[3] On reconnaît qu'un cochon est malade quand du sang se montre à la racine d'une soie arrachée sur son dos, et quand en marchant il porte la tête oblique. Les truies très grasses ont peu de lait. La première portée est moins nombreuse que les autres. Ces animaux aiment à se vautrer dans la boue; ils ont la queue torse, et l'on a même noté que ceux dont la queue est tordue à droite sont mieux reçus comme victimes que ceux dont la queue est tordue à gauche. On les engraisse en soixante jours, surtout si on les prépare par une diète de trois jours. C'est le plus stupide des animaux; et l'on a dit assez plaisamment que l'âme leur a été donnée en guise de sel pour conserver la chair.
[4] Cependant des porcs volés ont reconnu la voix de leur gardien et sont revenus vers lui, après avoir fait, en se portant tous d'un côté, chavirer la barque où le voleur les avait mis. On apprend même au chef du troupeau à conduire les autres au marché et à la maison. Les sangliers savent faire perdre leurs traces en traversant un marais, et faciliter leur fuite en lâchant leur urine (XXVIII, 60) (51). Or châtre les truies comme les chamelles : après deux jours d'abstinence, on les suspend par les pieds de devant (62), et on coupe la matrice; de la sorte elles engraissent plus rapidement.
[5] L'art s'est appliqué à développer le foie des truies comme celui des oies (X, 21); c'est une invention de M. Apicius (XIX, 24) : il les engraissait avec des figues sèches, puis les tuait soudainement après les avoir abreuvées de vin miellé (XXI, 53). Aucun animal ne fournit plus d'aliments à la gourmandise. Sa viande présente environ cinquante saveurs distinctes, tandis que celle des autres n'en présente qu'une; de là tant de décrets des censeurs pour défendre dans les repas les ventres, les glandes, les testicules, les vulves, les têtes; et qui n'empêche pas que Publius, auteur des mimes, après être sorti de servitude, ne dîne jamais, dit-on, sans un ventre de truie; c'est même lui qui a donné à cette partie le nom de sumen.
Stephandra- Dans l'autre monde
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Re: Livre VIII, traitant des animaux terrestre
LXXVIII. Du sangliers. Quel est celui qui, le premier, a renfermé dans des parcs des bêtes vivantes.
[1] Les sangliers sont venus aussi de mode : déjà Caton le Censeur, dans ses discours, reprochait à ses contemporains les râbles de sanglier. L'usage était de diviser cet animal eu trois parts; on ne servait que la partie moyenne, qu'on appelait le râble. Le premier Romain qui servit un sanglier tout entier fut P. Servilius Rullus, père de ce Rullus qui, sous le consulat de Cicéron, promulgua la loi agraire;
[2] tant est près de nous l'origine d'un usage aujourd'hui si commun. Les Annales out noté ceci pour faire honte, on le dirait, de leurs mœurs à ceux qui maintenant mettent sur table deux ou trois sangliers, non pour tout le repas, mais pour le premier service. (LII.) Le premier Romain qui ait établi les parcs pour les sangliers et pour les autres bêtes fauves est Fulvius Lupinus, qui se mit à en élever dans le territoire de Tarquinies. L. Lucullus et Q. Hortensius ne tardèrent pas à l'imiter.
[3] Les laies mettent bas une fois par an. C'est au temps du rut que les mâles sont le plus farouches; alors ils se battent entre eux, ils s'endurcissent en se frottant les flancs contre les arbres, et en se faisant une cuirasse de boue. C'est lorsqu'elles ont des petits que les laies sont le plus méchantes; et il en est de même à peu près chez toutes les espèces d'animaux. Les mâles n'engendrent qu'à un an. Dans l'Inde ils ont à la mâchoire deux dents recourbées d'une coudée (sus babiroussa ), et deux autres au front comme les cornes d'un jeune taureau. Le poil des sangliers est d'une couleur bronzée, tandis que le poil des cochons domestiques est noir. L'Arabie n'a de cochons ni sauvages ni domestiques.
LXXIX. Des animaux demi-sauvages.
(LIII.) [1] Dans aucune espèce l'accouplement n'est aussi facile avec la race sauvage que chez le porc, accouplement qui donne naissance aux produits appelés par les anciens hybrides ou demi-sauvages; je remarque que cette appellation a été transportée aux hommes, par exemple à C. Antonius, collègue de Cicéron dans le consulat. Non seulement les porcs, mais aussi tous les antres animaux domestiques, ont à l'état sauvage une espèce correspondante; l'homme aussi est dans ce cas, témoin tant de peuplades sauvages dont nous avons parlé (VII, 2). Mais ce sont les chèvres qui se montrent sous les variétés les plus nombreuses:
[2] il y a les chevreuils, les chamois; il y a les bouquetins (53) d'une agilité merveilleuse, quoique leur tête soit chargée de vastes cornes, creuses comme des gaines d'épée. C'est sur ces cornes qu'ils se jettent, faisant la roue sur les rochers comme lancés par une machine de guerre, surtout quand ils veulent sauter de mont en mont, le contrecoup les portant plus rapidement à l'endroit qu'ils veulent atteindre. Il y a aussi les antilopes (XI, 06) (54), qui, d'après quelques-uns, sont les seuls animaux dont le poil soit à rebours et tourné vers la tête; il y a encore les daims, les pygargues, les strepsiceros (XI, 45) (55), et plusieurs autres qui n'en diffèrent pas beaucoup. Les premières espèces appartiennent aux Alpes, les dernières aux contrées transmarines.
LXXX. Des singes.
(LIV.) [1] Les singes, qui ressemblent le plus à l'espèce humaine, (XI, 100), se distinguent entre eux par la queue; leur adresse est merveilleuse : on dit que, voulant imiter les chasseurs et se chausser comme eux, ils se mettent de la glu et s'entravent les pieds dans des filets. Mucianus rapporte que des singes ont joué aux latroncules (56), ayant appris par l'habitude à distinguer les pièces, qui sont en cire. On assure que les singes qui ont une queue sont tristes au décours de la lune, et se réjouissent lorsqu'elle est nouvelle. Quant aux éclipses, tous les quadrupèdes les redoutent.
[2] Les guenons ont une affection toute particulière pour leurs petits; celles qui mettent bas dans l'état de domesticité les portent dans leurs bras, les montrent à tout le monde, se plaisent à ce qu'on les caresse, et semblent comprendre qu'on les félicite : aussi leur arrive-t-il fort souvent de les étouffer à force de les embrasser. Les cynocéphales et les satyres sont d'un naturel plus farouche que les autres. Les callitriches (simia hamadryas, Gm., ou simiasi lenus, L.) sont d'un aspect presque complètement différent : ils ont de la barbe à la face, une queue fort large à sa naissance; on assure qu'ils ne vivent pas hors de leur patrie, qui est l'Éthiopie.
LXXXI. Des espèces de loups.
(LV.) [1] Les lièvres forment aussi plu sieurs espèces. Dans les Alpes ils sont blancs; on croit que dans les mois d'hiver ils s'y nourrissent de neige : toujours est-il que tous les ans leur poil (lepus variabills, Pall.) se colore au moment de la foule. Au reste, c'est un animal habitué à supporter les froids les plus rigoureux. Au genre lièvre appartiennent aussi les animaux nommés en Espagne cuniculi ( lapins); leur fécondité est extraordinaire, et ils affament les îles Baléares en dévastant les moissons. Les petits tirés du ventre de la mère ou enlevés à la mamelle, sans être vidés sont regardés comme un mets très-agréable; c'est ce qu'on nomme laurices.
[2] C'est un fait que les habitants des îles Baléares réclament du dieu Auguste le secours d'une garnison pour les empêcher de pulluler. Le furet est très estimé, parce qu'il leur fait la chasse; on l'introduit dans leurs terriers, qui ont plusieurs issues, et d'où aussi leur nom de cuniculi provient; les lapins, expulsés, sont pris à la surface.
[3] Archelaüs prétend qu'autant le lièvre a d'ouvertures naturelles pour les excrétions, autant il a d'années (toujours est-il que le nombre de ces ouvertures varie); que chaque individu possède les deux sexes, et sans mâle engendre est bien. La nature. pleine de bonté en ce point. a rendu très féconds les animaux inoffensifs et propres à la nourriture. Le lièvre, qui naît pour être la proie de tous, est le seul, outre le dasypode (57), chez qui la superfétation ait lieu (VII, 9) : la femelle en allaite un, en a dans l'utérus un second qui est rouvert de poil, un troisième qui n'en a pas encore, et un quatrième qui n'est que commencé. On a aussi essayé de faire des étoffes avec le poil de lièvre; mais au toucher elles ne sont pas aussi douces qu'est la fourrure sur l'animal et elles manquent de solidité à cause du peu de longueur du poil.
- LXXII. Des animaux qui ne sont ni apprivoisés ni sauvages.
[1] Ils s'apprivoisent rarement, bien qu'on ne puisse les dire absolument sauvages; il y a, en effet, plusieurs espèces qui ne sont ni privées ni sauvages, mais qui tiennent le milieu; par exemple, dans l'air, les hirondelles, les abeilles, et, dans la mer, les dauphins. (LVII.) Plusieurs ont placé dans cette catégorie les rats, habitants des maisons, animal qui n'est pu à dédaigner dans les prodiges même publies. Rongeant les boucliers d'argent de Lanuvium, ils annoncèrent la guerre des Marses (II, 85); rongeant auprès de Clusium les cordons des souliers de Carbon, imperator (an de Rome, 635);, ils présagèrent sa perte.
[2] Il y en a plusieurs espèces dans la Cyrénaïque, les uns ayant le front large; les autres le front aigu, quelques-uns (mus cahirinus) (VIII, 55, X, 85) le poil semblable aux piquants des hérissons. Théophraste (de Anim. quae repente apparent) rapporte qu'ayant expulsé les habitants do l'île de Cyaros, ils se mirent à ronger même le fer, ce qu'ils font aussi par une sorte d'instinct chez les Chalybes, dans les mines de fer; que dans les mines d'or on leur ouvre le ventre, et qu'on y trouve toujours de l'or volé, tant tes animaux se plaisent à ces larcins.
[3] Les Annales racontent qu'un rat fut vendu 200 deniers (164 fr.) dans Casilinum assiégé par Annibal ; que le vendeur mourut de faim, et que l'acheteur vécut. Des rats blancs sont d'un favorable augure. Les Annales sont pleines de cas où les auspices ont été interrompus par le cri des souris. D'après Nigidius, les souris hivernent comme les loirs, que les lois des censeurs, et M. Scaurus, prince du sénat (II, 55 ), pendant son consulat (an de Rome 639), ont défendu de servir sur les tables (XXXVI, 2) à l'égal des coquillages et des oiseaux apportés d'un autre monde.
[4] Le loir est aussi un animal à demi sauvage, pour lequel l'inventeur des parcs de sangliers (VIII, 78) imagina de former des garennes dans des tonneaux. A ce sujet on a remarqué qu'on n'y peut réunir que des loirs originaires d'une même forêt, et que si on introduit parmi eux des étrangers, ne le fussent-ils que par une rivière ou une montagne, ils se battent et s'exterminent. Ils nourrissent avec une piété singulière leurs parents accablés par la vieillesse ; le terme de cette vieillesse est celui de leur hivernage: en effet, ces animaux se tiennent renfermés pendant cette saison; à l'été ils redeviennent jeunes par un repos auquel est sujet aussi le lérot (myoxus nitesla, Gm.) (XVI, 69).
LXXXIII. Quels sont les lieux ou l'on ne trouve pas d'animaux.
(LVIII.) [1] Il est singulier que la nature non seulement ait donné des animaux différents aux différentes contrées, mais encore ait refusé dans la même contrée certaines espèces à certaines localités. En Italie, la forêt Moesie ne renferme des loirs que dans une partie. En Lydie, les chevreuils ne dépassent pas les monts voisins de la Syrie, ni les onagres la montagne qui sépare la Cappadoce de la Cilicie. Les cerfs qui vivent sur les bords de l'Hellespont ne vont pas sur des territoires étrangers; et auprès d'Arginusse ils ne passent pas le mont Elaphonte; sur cette montagne ils ont les oreilles fendues.
[2] Dans l'île de Porosélène les belettes ne traversent pas une certaine route. En Béotie, les taupes, portées à Lébadie, fuient le sol, elles qui dans le voisinage, à Orchomène, minent des champs entiers; nous avons vu des couvertures de lits faites avec leurs peaux : tant il est vrai que la religion n'empêche pas le luxe de porter la main sur des prodiges. Les lièvres apportés dans l'île d'Ithaque y meurent, sur le bord même de la mer; à Ebuse, les lapins viennent aussi mourir sur la côte, et remarquez qu'ils foisonnent en Espagne et dans les îles Baléares. A Cyrène, les grenouilles étaient muettes, et cette espèce persiste, bien qu'on y ait transporté du continent des grenouilles coassantes : elles sont muettes encore aujourd'hui dans l'île de Sériphe, et, transportées ailleurs, elles coassent; ce qui arrive aussi, dit-on, dans le Sicendus, lac de Thessalie.
[3] En Italie, la morsure de la musaraigne est venimeuse; la région au-delà de l'Apennin n'a pas cet animal, qui, en quelque lieu qu'il soit, meurt, s'il traverse une ornière. Au mont Olympe de Macédoine et en Crête il n'y a pas de loups; cette île ne renferme ni renards, ni ours, ni aucun animal malfaisant, excepté les phalanges, sorte d'araignée dont nous parlerons en son lien (XI, 23 ; XXIX, 27). Chose plus singulière, la même île n'a des cerfs que dans la contrée de Cydon; il en est de même des sangliers, des attigènes, (tetrao bonasia, L.) (X, 41) et des hérissons. En Afrique on ne trouve ni sangliers, ni cerfs, ni chevreuils, ni ours.
LXXXIV. Où et quels animaux font du mal seulement aux étrangers? Où et quels animaux en font seulement aux indigènes?
(LIX.) [1] Bien plus, certains animaux inoffensifs pour les indigènes, tuent les étrangers; tels sont à Tirynthe de petits serpents qui, dit-on, naissent de la terre. De même en Syrie, les serpents, surtout sur les rives de l'Euphrate, ne blessent pas les Syriens endormis, ou si, foulés aux pieds, ils mordent, leur venin ne se fait pas sentir; mais ils sont funestes aux individus de toute autre nation, qu'ils poursuivent avec acharnement et à qui ils causent une mort cruelle; aussi les Syriens ne les tuent pas. Au contraire en Carie, sur le mont Latmos, les scorpions, au dire d'Aristote ( Hist. an., VIII, 39), ne font pas de mal aux étrangers, et tuent les indigènes. Passons maintenant aux autres espèces d'animaux et aux productions de la terre.
Stephandra- Dans l'autre monde
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