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Alimentation et religion

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Message par Kerraaoc Lun 01 Sep 2014, 11:13

Alimentation et religion


Source: http://www.oldcook.com/


L'homme ne mange pas seulement pour se nourrir : le partage du repas est un élément important des relations sociales et la nature des produits consommés un facteur de distinction sociale ou culturelle.

Dans la dimension culturelle de la nourriture, nous devons faire une place importante au domaine religieux. En effet, les interdits alimentaires font partie de la plupart des religions (c'est un des éléments importants de la pratique du Judaïsme et l'Islam interdit la consommation du porc et de l'alcool). Le christianisme, qui connaît le péché de gourmandise, a supprimé progressivement les interdits alimentaires du Judaïsme pour mettre en valeur la règle du jeûne et de l'abstinence qui introduit des contraintes importantes pour la préparation des repas (interdiction de consommer de la viande et des matières grasses d'origine animale pendant les jours réputés maigres).

La dimension religieuse de l'alimentation dans l'occident chrétien apparaît en particulier et de manière significative dans les nourritures liées à des symboles religieux et dans ce que nous avons appelé l'héritage des moines.

L'héritage des moines représente l'aspect économique de la question religieuse au Moyen Age : les monastères sont des lieux de production et de créativité économique. Cela se traduit par la création de produits alimentaires parfois directement liés au culte religieux (culture de la vigne pour la production du vin de messe). Actuellement, des vins prestigieux, des fromages célèbres, des bières sont actuellement les héritiers de cette économie monastique agroalimentaire.

Les nourritures symboliques sont soit représentatives d'une association traditionnelle entre un produit et une fête d'origine religieuse (la bugne et le Carnaval, la crêpe et la Chandeleur), soit un élément important de la théologie : Adam et Eve sont chassés du paradis terrestre pour avoir mangé le fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin - Genèse 3.3, le pain et le vin sont le corps et le sang du Christ dans le dogme de la transsubstantiation de la religion catholique, Jésus est souvent représenté comme l'agneau de Dieu.
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Message par Kerraaoc Lun 01 Sep 2014, 11:31

L'héritage des moines

Parmi les produits du terroir d'origine médiévale, un nombre important d'entre eux ont pour origine les monastères qui envahirent l'Europe entre le 9e et le 15e siècle. On compte près d'un millier de monastères dans la France médiévale, dont 251 abbayes cisterciennes et 412 abbayes bénédictines, plus de 700 monastères en Angleterre.

Ces maisons regroupent entre une vingtaine de moines et jusqu'à 400 à Cluny, au temps de sa splendeur. Mais l'influence économique et intellectuelle des religieux n'est pas proportionnelle à leur nombre. Les monastères sont en effet un pôle de stabilité et d'innovations techniques remarquables à cette époque. Les moines et les moniales peuvent être considérés comme une élite intellectuelle, sachant lire et écrire (ce qui n'est pas courant dans l'Europe médiévale). C'est une main d'oeuvre haut de gamme et gratuite mise à la disposition de l'institution monastère, avec l'aide d'une foule de frères convers, de religieuses, de paysans et d'artisans salariés. Même si le temps réservé à la prière est important pour les religieux, l'activité du monastère est souvent plus efficace, donc plus économiquement rentable, que le travail des artisans et paysans du monde laïc.

C'est pourquoi les monastères sont souvent riches à leur apogée (12e siècle). Il est vrai qu'ils ont de lourdes charges : entretien des moines et des convers, soin des malades ou enseignement, assistance aux indigents, accueil des pèlerins. Un monastère doit pouvoir nourrir toutes les personnes qui sont dans l'établissement ou qui gravitent autour. Comme les dons ne suffisent pas, le monastère cultive les plantes, élève les animaux nécessaires à son alimentation et cherche à créer des surplus qui sont vendus à l'extérieur.

Au fil du temps, des monastères ont développé des productions qui ont acquis une certaine réputation. Ces productions d'origine monastique sont devenues des "produits du terroir" encore connus à notre époque. Certains de ces produits sont encore fabriqués par des monastères mais la majorité d'entre eux est maintenant fabriquée par des entreprises sans rapport avec les moines.

Il serait ennuyeux de dresser une liste exhaustive des appellations d'origine monastique. Nous nous contentons d'indiquer ici les plus célèbres ou les plus significatives et les congrégations d'origine. Nous recensons les fromages, les vins, la bière, l'eau-de-vie d'origine monastique, véritable patrimoine légué par les moines et les moniales du Moyen Age, transmis et développé par les hommes d'aujourd'hui.



Fromages

La transformation du lait de vache, de chèvre ou de brebis en fromage est un procédé très ancien. Nos ancêtres Germains et Gaulois fabriquaient et consommaient surtout du beurre et du lait fermenté. C'est pourquoi on trouve peu de fromages dans les pays de culture celtique (Bretagne, Irlande). Mais les romains, qui préféraient l'huile d'olive au beurre, fabriquaient de nombreux fromages à partir du lait caillé. Cela explique probablement pourquoi les monastères médiévaux, héritiers de la culture latine et possédant souvent des troupeaux importants, ont développé la production et la vente de fromages de qualité. Alors que le fromage des paysans est surtout autoconsommé.

La fabrication du formaige ou fourmaige (qui a donné fourme en Auvergne) est quasi inexistante au Moyen Age en Bretagne, dans les Alpes du Sud et en Aquitaine. A étudier la répartition géographique des fromages, on constate que les fromages durs à pâte pressée ou persillée, comme le roquefort, faciles à transporter, sont fabriqués dans des zones d'élevage éloignés des villes, alors que les fromages plus difficiles à transporter et à conserver, comme le brie, sont fabriqués près des villes.

Le parmesan est le fromage le plus fréquemment cité dans les recettes de la gastronomie médiévale européenne. La notoriété d'un fromage, comme d'un vin, dépend souvent de la notoriété de ceux qui le consomment. Le brie est devenu célèbre parce qu'il plaisait à Philippe Auguste, à Charles d'Orléans ou à Henri IV. Il devint le fromage des rois quand Talleyrand le mis en valeur au Congrès de Vienne. Mais il n'est pas d'origine monastique comme ceux qui suivent.

Quelques fromages d'origine monastique

**  Abbaye de Maroilles (Nord) : Maroilles
**  Abbaye de Conques (Aveyron): Roquefort
**  Abbaye bénédictine de Munster (Haut Rhin) : Munster qui vient du mot latin monasterium (monastère)
**  Monastère cistercien d'Epoisses (Côte d'Or) : Epoisses
**  Templiers de Coulommiers (Seine et Marne) : Coulommiers
**  Abbaye de St Claude (Jura) : Bleu de Gex
**  Abbaye d'Abondance (Savoie) : Abondance.

Alimentation et religion Tamie

Certains fromages monastiques ont une tradition plus récente : Tamié (abbaye cistercienne de Tamié, Hte Savoie, 1860), Chambarand (monastère de Chambarand, Isère, 1932), Port Salut (abbaye cistercienne d'Entrammes, Mayenne, 1850), Trappe de Laval (monastère des sœur trappistes de la Coudre, 1868).

Sous l'appellation
Monastic Alimentation et religion Monastic , les moines et les moniales fabriquent actuellement des produits de qualité, qui bénéficient de l'image d'une longue tradition de fabrication.

Des fromages comme Chaussée aux moines axent toute leur communication sur la tradition des fromages fabriqués et consommés par les moines, alors qu'ils n'ont pas de rapport direct avec un monastère.



Vins

La religion catholique, dominante en Europe au Moyen Age, a besoin du vin pour sa liturgie. Le rite religieux de la messe est la représentation symbolique du sacrifice de Jésus-Christ. Dans le sacrement de l'eucharistie, le prêtre et les fidèles sont amenés à communier avec Jésus en mangeant le pain, corps du Christ, et en buvant le vin, sang du Christ. Par ailleurs le vin est très présent dans la symbolique chrétienne : outre les multiples références au vin qu'on trouve dans la Bible, Jésus, aux noces de Cana, a changé l'eau en vin et il a sacralisé le vin lors de la Dernière Cène. Dans une parabole de l'évangile de Jean (15), Jésus dit : Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron. C'est moi qui suis la vigne, vous êtes les sarments.

C'est pourquoi, dès les premiers siècles du christianisme, les abbés des monastères et les évêques, dans toute l'Europe, se transforment en viticulteurs et cultivent de la vigne. Ils vont développer les vignobles d'origine gallo-romaine épargnés par les invasions barbares ou créer de toutes pièces des vignobles sur des terres vierges ou plus nordiques (Angleterre).

Un certain nombre de saints catholiques sont donc associés, par des légendes ou des faits historiques, à des vignobles dès la fin de l'Empire romain et du début du Moyen Age : Saint Martin et le vignoble du Val de Loire (son âne, en broutant les feuilles de vigne serait à l'origine de la taille courte des ceps), Saint Germain et les vignes du bord de Seine à Paris, Saint Rémi et le vignoble de Reims, Saint Didier et le vignoble du Quercy.

Les monastères, qui se développent entre le 9e et le 13e siècle, font une grande consommation de vin. Il est utilisé pour la liturgie, mais figure également au menu du monastère. En effet, si certains monastères particulièrement ascétiques en interdisent la consommation, le vin est généralement admis comme une des bases de la nourriture quotidienne au Moyen Age. Le vin est également utilisé pour le soin aux malades et des vieillards. Son intérêt est également économique : les surplus de vin sont vendus et participent à la trésorerie du monastère.

Desmond Seward a dénombré en France 109 appellations de vins d'origine monastique. Il y en aurait également 45 en Allemagne, 27 en Autriche, 17 en Italie, 12 en Suisse, 9 au Portugal, 7 en Espagne, 5 en Grèce et 4 en Grande Bretagne).

Bourgogne, une grande région d'abbayes, une grande région de vins :

**  Chanoines de l'église cathédrale d'Autun : Aloxe, Pommard, Volnay, Meursault, Chassagne.
**  Clunisiens : Beaune, Vosne-Romanée.
**  Cisterciens de l'abbaye de St Vivant : Romanée, Romanée-Conti.
**  Cisterciens de l'abbaye de Pontigny : Chablis.
**  Cisterciens de l'abbaye de Cîteaux : Clos Vougeot.
**  Abbaye de Bèze : Chambertin.
**  Abbaye de Saulieu : Corton-Charlemagne.
**  Clunisiens du prieuré de La Charité sur Loire : Pouilly Fumé.


Loire

**  Abbaye de Bourgueil : Bourgueil. C'est à Bourgueil que Rabelais situe son abbaye de Thélème.


Savoie

**  Abbaye de Notre Dame de Filly : Crépy et vin de Savoie cru Marignan.

Alimentation et religion Vin_savoie_marignan
**   Abbaye de Cluny : Roussette de Savoie, cru Frangy et cru Monterminod.
**  Abbaye d'Arvières : Seyssel.
**  Evèque de Grenoble : Vin de Savoie cru Cruet.


Côtes du Rhône

**  Clergé de Tournon : Cornas.
**  Cisterciens de l'abbaye de Valcroissant : vin de Die (qui deviendra plus tard Clairette).
**  Papes d'Avignon : Châteauneuf-du-pape.


Languedoc Roussillon

**  Templiers : Banyuls.
**  Abbaye d'Elne : Rivesaltes.


Sud-Ouest

**  Bénédictins de l'abbaye de St Michel : Gaillac.
**  Bénédictins de l'abbaye de Madiran : Madiran.
**  Cisterciens et hospitaliers : Moissac, Jurançon.


Divers

**  Couvent de Montmartre : vin de Montmartre (Paris).
**  Bénédictins de la congrégation de Saint-Vanne : Champagne.


Europe

** Allemagne : les bénédictins de l'abbaye de Fulda sont à l'origine du Clos de Johannisberg.

** Espagne :

   cisterciens : vins de Valdepeñas.
   bénédictins : vins de Tolède.

** Portugal : les rives du Douro (vin de Porto) ont été très tôt plantées en vigne et exploitées par les moines

** Suisse : l'abbaye d'Einsiedeln possède des vignobles dès le 12e siècle.



Bière

La première description de la fabrication de la bière provient d'un prieur de l'abbaye suisse de Saint Gall, sur les bords du lac de Constance. On y brassait 3 catégories de bière : la Prima melior réservée aux pères et aux hôtes de marque, la Seconda pour les frères laïcs et la Tertia, fabriquée en grande quantité pour les pèlerins. La cervoise était fabriquée, à l'origine, sans houblon. La cervoise houblonnée (cervesia lupulina) apparaît pour la première fois dans une charte de l'abbaye de Saint Denis en 768. Ce sont les bénédictins qui introduisent ensuite la fabrication de la bière au houblon en Lorraine. On distinguait alors la bière des pères (potio fortis), bière forte destinée aux moines et la bière des couvents, plus faible pour les moniales. (in La vie quotidienne des religieux au Moyen Age, Léon Moulin, Hachette, 1978).

Les brasseries monacales sont nombreuses dans toute la France médiévale du Nord : la bière est principalement fabriquée dans les pays où la vigne n'arrive pas à bien pousser, pour remplacer le vin. Mais dès le 15e siècle, beaucoup d'abbayes, en concurrence avec les brasseries artisanales, abandonnent leur brasserie. Au 16e siècle, il ne reste guère que la brasserie de l'abbaye de Saint Laurent à Dieulouard en Moselle qui soit encore connue. Elle disparaît à la Révolution Française.

Ce n'est pas le cas en Allemagne et en Belgique ou les bières d'abbaye résistent encore maintenant à la concurrence industrielle. Munich, la capitale allemande de la bière vient du mot moine ! Et c'est un Flamand, Saint Arnould, abbé bénédictin d'Oudenburg, qui est le patron des brasseurs. La légende dit qu'il avait constaté que les buveurs de bière étaient moins malades que les autres pendant les épidémies.

Il existe en Belgique 5 brasseries d'abbayes fabriquant la Bière des Pères trappistes :

** Abbaye d'Orval : Orval

Alimentation et religion Chimay
** Abbaye de Scourmont : Chimay et Pères trappistes.
** Abbaye de Westmalle : triple Westmalle.
** Abbaye de St Sixtus à Westvleteren : Trappisten, double, spécial, extra, abt.
** Abbaye Notre Dame de St Rémy à Rochefort : Trappistes Rochefort.

Plusieurs brasseries commerciales qui ont racheté des brasseries monastiques ou repris des bières fabriquées autrefois par les moines ont droit à l'appellation Bière d'Abbaye.

Les plus connues sont la Grimbergen, brassée autrefois à l'Abbaye de Grimbergen par les pères norbertins et la Leffe, brassée autrefois à l'Abbaye de Leffe.

En Allemagne, plusieurs couvents de religieuses, en Bavière, possèdent encore des brasseries. En particulier le couvent de Mallersdorf (près de Munich) et le couvent d'Ursberg (entre Augsburg et Ulm).



Eau-de-vie

Le principe de la distillation était connu dans l'Antiquité, mais la production d'alcool débute au Moyen Age.

Pendant le Moyen Age, la fabrication d'élixirs de longue vie ou eau-de-vie est du ressort de l'apothicaire et du médecin. Car l'eau-de-vie (aqua vitae), comme son nom l'indique, est un médicament, très utilisé en médecine arabo-persane, puis dans tout le bassin méditerranéen. Les premiers à laisser des traces écrites de la technique de la distillation alcoolique et de l'eau-de-vie en Europe chrétienne sont un médecin théologien catalan, Arnau de Vilanova, dit Arnaud de Villeneuve et un moine franciscain qui deviendra cardinal, Vital Dufour. Ce dernier a écrit, vers 1310, un ouvrage de médecine qu'on a retrouvé dans la bibliothèque du Vatican et qui décrit les vertus de cette "eau ardente" (aygardent) qu'on appellera Armagnac.

Une congrégation religieuse italienne, les Jésuates, était également spécialisée dans la distillation alcoolique (pour boire ou pour la médecine ?). On les avaient surnommés padri dell'acquavita : pères de l'eau-de-vie. Une légende fait également remonter la création du whisky (uisge beatha ou eau-de-vie en gaélique) à St Patrick et aux moines qui évangélisèrent l'Irlande, mais la première mention historique date en réalité de 1494 et elle vient d'Ecosse. Il semble, cependant, que les débuts de la fabrication du whisky soient de la compétence des moines irlandais. Ils auraient exporté leur savoir-faire en Europe continentale pour la fabrication des alcools blancs de fruits.

Il est intéressant de constater que la fabrication des alcools blancs (mirabelle, kirsch, quetsche, élixir de Spa, becher's) est localisée dans le quadrilatère Vittel, Spa, Ems, Carlsbad, ce qui correspond à la zone d'influence des abbayes bénédictines ou irlandaises de Luxeuil, St Gall, Salzbourg, Fulda : des liens semblent exister entre l'origine de ces alcools et le monde monastique.

La fabrication du Kirsch est également attribuée aux bénédictins de Fontgombault et la Trappistine est fabriquée par les cisterciens d'Orval. Ces productions datent-elles du Moyen Age ? En réalité, la majorité des eaux-de-vie monastiques les plus célèbres de nos jours, se sont développées à partir du 16e siècle: La Bénédictine (Dom Bernardo Vinalli, Fécamp) débute en 1510. La Chartreuse daterait de 1605, mais la recette des moines chartreux de Vauvert est transmise au monastère de la Grande Chartreuse seulement en 1735 ou 1737.
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Message par Kerraaoc Lun 01 Sep 2014, 11:41

Nourritures symboliques et fêtes religieuses

Bugne, beignet de Carnaval, agneau pascal, mouton de l'Aïd el Kebir, crêpe de la Chandeleur, citrouille d'Halloween, les 13 desserts de Noël en Provence ...

Certaines nourritures sont traditionnellement associées à une fête religieuse, comme l'agneau pascal, le mouton de l'Aïd el Kebir, la crêpe de la Chandeleur ou le beignet du Carnaval. Cette association peut être simplement anecdotique (la bugne) ou un élément essentiel du symbolisme religieux (l'agneau). Malgré la diminution de la pratique religieuse, on continue d'associer ces nourritures à une période de l'année.

Sur Old cook, site de cuisine historique, nous voulons expliquer, dans la mesure du possible, l'origine de ce lien entre alimentation et célébration religieuse.

   Février : Carnaval et bugne ou beignet
   Pâques : l'agneau pascal / Mouton de l'Aïd el Kebir
   1e Novembre : la citrouille d'Halloween
   Noël : Les 13 desserts en Provence



Février : Carnaval et bugne ou beignet

Le Carnaval, associé à Rio ou à Nice, est devenu le symbole d'une fête costumée de printemps, fêtes qui s'échelonnent entre février et avril. Le Carnaval correspond historiquement à une période de déguisements qui pouvait débuter le jour de l'Epiphanie, fête des Rois Mages le 2 janvier, mais qui devait se terminer obligatoirement le Mardi Gras, le jour qui précède le Mercredi des Cendres, début de la période du Carême.

Le Carême (du latin quadragesima, le quarantième jour avant Pâques) est la période de quarante jours avant la fête de Pâques, qui est une période de jeûne alimentaire et d'abstinence sexuelle avant le jour de la résurrection de Jésus Christ. A l'origine, cette période de jeûne servait à préparer les catéchumènes (païens qui se convertissent) au baptême lors de la fête de Pâques. Le jour du Carnaval était une fête où ces catéchumènes et leurs proches enterraient leur vie de païen.

Le Carnaval est caractérisé, pendant des siècles, dans les pays catholiques du sud de l'Europe, par des mascarades (déguisements et masques), comportant des rituels d'inversion (les pauvres se comportent comme les riches et peuvent contester l'ordre établi) et des excès alimentaires, sorte de christianisation des Saturnales et autres fêtes de fin d'hiver de l'antiquité. Le dernier jour du Carnaval, avant l'arrivée du carême, est aussi appelé Mardi Gras, car c'est un jour de fête, symbole de fécondité, où l'on peut consommer en abondance les produits interdits pendant la période de jeûne (viandes et ripaille alimentaire mais aussi défoulement et orgies sexuelles). Le mot Carnaval vient de l'italien carnevale (la viande s'en va) altération du génois carneleva.

La bugne fait partie de la catégorie des beignets consommés traditionnellement pendant la période du Carnaval.

Bugne et beignet viennent du mot beigne (1378) ou buyne : une bosse provoquée par un coup. En effet, le beignet ou la bugne sont des pâtes qui gonflent en cuisant, comme la bosse sur le crâne !

Bugnes et beignets ne font pas partie de la liste des produits transformés en chevaliers dans la bataille entre Caresme (chevalier félon aidé de ses vassaux poissons) et Charnage (baron aidé de ses vassaux rôtis et volaille), une parodie de chansons de geste du 13e siècle.

L'édition du Vatican (15e siècle) du Viandier de Taillevent propose une recette de buignetz et roysolles de mouelle : Crespes grandes et petites, qui correspond davantage à une recette de crêpes que de beignets. En revanche le manuscrit du Viandier de la Bibliothèque Mazarine (15e siècle) propose une recette de pâte frite et sucrée comme on fait brugnes qui semble très proche d'un beignet. Cette pâte à frire est préparée avec de la sauge sclarée broyée, de l'eau, de la farine, du miel, un peu de vin blanc, le tout bien battu et fris dans l'huile par petites cuillères. Chaque bugne est ensuite égouttée, tenue au chaud et sucrée.

Une des plus anciennes références de bugnes à Lyon date de 1538.


Alimentation et religion Bugnes_lyonnaises
Bugnes lyonnaises, boulangerie Honorin, Crest (Drôme)
Photo Jacques Bouchut

La bugne lyonnaise actuelle est une pâtisserie de forme rectangulaire, en losange ou en nœud, qui se consomme habituellement au dessert ou pour le goûter pendant tout le mois de février en région Rhône Alpes. Elle se mange tiède, saupoudrée de sucre glace. Il s'agit généralement d'une pâte levée (avec levure) ou non (craquante, sans levure), frite et aromatisée à la fleur d'oranger, au cognac ou au rhum ou avec un zeste de citron. En Alsace, le beignet de Carnaval d'Alsace est signalé dans un document de 1449 (beignets en forme de poire mangés en troisième service).

Le beignet alsacien est une petite galette ronde ou carrée, faite en pâte levée et moelleuse, souvent parfumée à la cannelle.



Pâques : l'agneau pascal et le mouton de l'Aïd el Kebir

Les sacrifices d'animaux ont été de tous temps une des base des cultes religieux : les dieux ne sont pas végétariens et semblent aimer le parfum des viandes grillées !

L'agneau est associé étroitement à la religion juive, puis à la religion chrétienne et à l'Islam, depuis le sacrifice d'Abraham (Bible : Genèse - 22). Pour l'éprouver, Abraham reçut de Dieu l'ordre de sacrifier son fils, Isaac (juifs, chrétiens) / Ismaël (musulmans), au lieu de sacrifier le traditionnel agneau. Docile et fidèle, Abraham accepta ce sacrifice. Un ange l'arrêta à la dernière minute et lui demanda de remplacer son fils par un bélier prisonnier d'un buisson. Puis Yahvé, voulant aider son peuple à sortir d'Egypte, demanda à Moïse de célébrer la fête de La Pâque en égorgeant un mouton ou une chèvre et en mangeant sa chair rôtie le soir de La Pâque, la veille de la dernière des plaies d'Egypte : le châtiment des premiers nés d'Egypte (Exode - 12).

La religion chrétienne a multiplié les symboles autour de l'agneau : parabole du berger et de son troupeau (symbole du pasteur dirigeant les fidèles dociles comme des agneaux), l'agneau égorgé (symbole à la fois du Juste souffrant et du sacrifice de Jésus mort pour racheter nos péchés) Jésus est souvent décrit comme l'Agneau de Dieu.


Alimentation et religion Angeau_mystique
Retable de l'Agneau Mystique, St Jean Baptiste (détail), 1432
Hubert et Jean Van Eyck - Cathédrale St-Bavon, Gand, Belgique

L'agneau est donc à la fois modèle d'obéissance et de douceur, victime et rédempteur. Les juifs, avant le départ d'Egypte, ont égorgé le mouton et l'ont fait rôtir. Les musulmans égorgent le mouton, pour commémorer le sacrifice d'Abraham, au moment de l'Aïd el Kebir (grande fête) ou Aïd el Adha (fête du mouton). Les chrétiens (catholiques et orthodoxes) mangent l'agneau le jour de Pâques.

Cet agneau pascal est un plat de viande. Il s'agit traditionnellement d'un gigot rôti accompagné de flageolets (rappelons que les haricots venant d'Amérique, il ne s'agit donc pas d'une tradition très ancienne).

En Alsace, au 19e siècle, l'agneau pascal est peu à peu remplacé par un gâteau cuit dans un moule en terre cuite en forme d'agneau : l'Oschterlammele ou Osterlemmele.

On peut trouver d'autres gâteaux appelés agneau pascal, connus souvent très localement (par exemple l'agneau pascal d'Annonay en Ardèche, petit biscuit meringué en forme d'agneau).



1er novembre : la citrouille d'Halloween

La fête d'Halloween se célèbre dans la nuit du 31 octobre au 1e novembre. Il s'agit d'une fête traditionnelle américaine d'origine irlandaise qui s'est développée aux USA à la fin du 19e siècle. Hallowe'en est une altération de all hallow's eve : la veille de tous les saints, c'est à dire de la Toussaint. Hallow étant un mot d'origine saxonne (halig) qui a donné holy, puis holiday : jour saint, c'est à dire jour consacré à la religion, par extension : jour férié.

Traditionnellement, Halloween se caractérise par des enfants déguisés de costumes effrayants (fantômes, sorcières, squelettes), qui passent de porte en porte pour demander des friandises en criant :
Trick or treat ! (des farces ou des friandises).

Le symbole d'Halloween est une citrouille évidée dans laquelle on a creusé un visage et placé une bougie au centre. Cette tête de mort symbolique était à l'origine un navet, symbolisant une âme errante, chassée du ciel et de l'enfer. Le folklore irlandais a en effet la légende de Jack-o'-lantern, un homme errant sur terre parce que ni Dieu ni le diable ne voulaient de lui et les navets illuminés dans la nuit lui ont permis de retrouver son chemin. Pourquoi maintenant une courge, une citrouille ou un potiron ? Nous n'avons pas trouvé d'explication logique en dehors du fait qu'il s'agit d'un légume de saison, qui s'adapte bien à ce rituel : il est gros et rond comme une tête, on peut le creuser et l'éclairer de l'intérieur. Les irlandais ont dû adopter la citrouille, plus grosse que le navet, quand ils sont arrivés en Amérique, chassés par la famine de 1646/48.

La fête d'Halloween veut symboliquement dédramatiser la mort (beaucoup de déguisements sont des squelettes) et ressemble étonnamment à la fête des morts du Mexique.

L'origine de la fête d'Halloween est un bel exemple du syncrétisme en religion :

Dans la mythologie celtique, le début de la saison sombre (passage vers l'hiver et début de l'année) est la fête de Samain ou Samhain chez les Irlandais ou Samonios chez les Gaulois. Ce mot signifie réunion et marque la fin des batailles et des travaux des champs. Les rites druidiques insistent sur la notion de passage entre le monde des humains et le monde des dieux, ce monde où se trouvent les héros : on les croit morts alors qu'ils sont simplement invités par les dieux à séjourner dans cet Autre Monde où le temps ne passe pas à la même vitesse. C'est un moment d'attente où les morts peuvent revenir sur terre et où l'on n'hésite pas à s'enivrer. Samain se célèbre aux environs du 1e novembre.

Quand l'église catholique a voulu convertir les celtes, elle a récupéré bon nombre de lieux saints pour y construire une église. Elle a aussi transformé des fêtes païennes en fêtes chrétiennes.

Les chrétiens d'Orient célébraient la fête des martyrs, dès le 4e siècle, le dimanche après la Pentecôte. Les églises de rite byzantin continuent à célébrer la Toussaint le dimanche après la Pentecôte. Mais les moines irlandais du 8e siècle, confrontés à une forte survivance des rites celtiques ont tout naturellement transformé Samain en fête de tous les saints le 1e novembre. Le pape Grégoire IV dédie vers 830 une chapelle à tous les saints au Vatican. Et l'empereur Louis le Pieux institue en 835 la fête de tous les saints dans l'empire carolingien. L'objectif était de remplacer ce culte païen de l'âme des morts par un culte chrétien plus joyeux des saints (personnes vivantes ou mortes). Comme cette transformation n'a pas vraiment fonctionné, Saint Odilon (962-1048), abbé de l'abbaye de Cluny, ordonne, à partir de 1031, de célébrer, dans tous les monastères clunisiens, une messe solennelle pour les morts le 2 novembre. En 1580 le pape Sixte IV fait de la Toussaint une grande fête chrétienne. Mais il faut attendre 1914 pour que le pape Pie X en fasse une fête d'obligation (obligation d'assister à la messe).

Les catholiques ont pris l'habitude d'honorer leurs morts dès le jour de la Toussaint en déposant des bougies allumées sur les tombes. Au 19e siècle, le rituel des bougies s'est peu à peu transformé en rituel de fleurir les tombes en France, mais il a continué en Wallonie au moins jusqu'en 1930. Dans certains villages wallons, le soir de la Toussaint, les enfants évidaient déjà une betterave ou une citrouille. Ils éclairaient cette tête de mort avec une bougie. Ils demandaient aux passant quelques sous pour les âmes. Cette coutume pouvait encore s'observer en 1950 !

Il y a donc plus de liens qu'on ne croit souvent entre Samain, la Toussaint et Halloween. Halloween est une fête quasiment inconnue en France avant 1990. Des sociétés spécialisées dans le commerce des friandises, des déguisements et des gadgets pour enfants ont fait du lobbying auprès des médias pour la développer : une manière de relancer la consommation de bonbons et déguisements à une période creuse. La confusion entre fête traditionnelle des morts, d'origine très ancienne, et fête commerciale ne convient pas à tout le monde : l'église catholique s'oppose à cette fête païenne.

Une certitude : la fête d'Halloween a relancé la culture de la citrouille et du potiron ! Rappelons que citrouille (cucurbita pepo) et potiron (cucurbita maxima) étaient inconnus en Europe avant Christophe Colomb. La courge européenne mentionnée dans les recettes de cuisine médiévale était la gourde ou courge calebasse (lagenaria siceraria). La courge américaine va être désignée sous le nom latin de cucurbita (déjà connu des romains) et sous le nom français de courge (dont on a des recettes dans le Ménagier de Paris), ce qui va faciliter la confusion entre les 2 légumes. C'est pourquoi la courge américaine va être très vite adoptée dans la cuisine européenne et remplacer la gourde. La courge utilisée pour Halloween aux USA est une citrouille d'hiver ronde appelée pumpkin.



Les 13 desserts de Noël en Provence

Les 13 desserts de Noël sont des nourritures tellement chargées de symboles qu'on peut se demander s'il ne s'agit pas d'un outil de propagande créé, vraisemblablement à la fin du 19e siècle, au service de la religion catholique et du régionalisme provençal. Frédéric Mistral (1830-1914) n'en parle pas, se contentant de mentionner une quantité de friandises exquises pour le soir de Noël : uno sequèlo de privadié requisito. Or on se souvient que ce grand poète provençal a créé avec 6 autres personnes le félibrige, une école littéraire pour développer la culture d'Oc. Certains disent que les 13 desserts de Noël sont une invention d'une association de Marseille (Cremascle).

Nous avons probablement une tradition ancienne de desserts multiples le jour de Noël (la fougasse est un dessert de Noël et de l'Epiphanie dès le Moyen Age). Cette tradition a été codifiée tardivement et semble correspondre (est-ce un hasard ?) aux mouvements, fin 19e et début 20e siècle, de valorisation de la religion catholique en perte de vitesse, de mise en valeur de la notion de terroir (développement du régionalisme et mise en valeur des traditions lié, au départ, au courant idéologique de Mauras et Barrès), avec un soupçon de superstitions populaires (nourritures pour favoriser la réussite).

Les symboles religieux des desserts provençaux sont nombreux : il y a 13 desserts comme il y a 12 apôtres et le Christ le jour de la Cène (repas du Jeudi Saint avant la crucifixion de Jésus). Ces 13 desserts doivent être servis sur une table couverte de 3 nappes blanches éclairée par 3 chandeliers (La Sainte Trinité, dans la religion catholique est représentée par le chiffre 3 pour désigner Dieu le Père, son fils Jésus-Christ et le Saint-Esprit). Ces nappes servent à conjurer aussi le malheur.

Les 13 desserts sont traditionnellement servis au retour de la messe de minuit, pour le réveillon de Noël. La liste de ces 13 desserts varie selon les différentes régions ou villes de Provence. Une liste officielle a même été fixée en 1998 à Aix-en-Provence par plusieurs associations et les fabricants de calissons ! Dans tous les cas nous avons certains desserts, communs à toutes les traditions, que nous pourrions qualifier d'obligatoires :

**  Les 4 mendiants, des fruits secs rappelant la couleur des vêtements de 4 ordres religieux : des raisins secs pour symboliser les Dominicains, les amandes pour les Carmes, les figues pour les Franciscains, les noisettes ou les noix pour les Augustins.

**  La pompe à l'huile (ou fougasse) dégustée avec du vin cuit. C'est une boule aplatie et ajourée de fentes, faite dans une pâte à pain sucrée, avec de l'huile d'olive, parfumée à l'eau de fleur d'oranger. C'est un gage de réussite. La pompe doit être rompue à la main, comme le Christ a rompu le pain lors de la Cène, sous peine de ruine dans l'année qui suit.

**  Les nougats blancs (aux amandes et aux pistaches), symbolisant le bien ou les pénitents blancs et les nougats noirs (au miel et aux amandes), symbolisant le mal ou les pénitents noirs.

**  Des fruits : les dattes symbolisant le Christ venu d'Orient, avec un noyau présentant un O et rappelant l'étonnement de l'enfant Jésus, quand il a rencontré ce fruit lors de la fuite en Egypte; des mandarines ou des oranges, signe de richesse : ces fruits ont été, jusqu'à la deuxième guerre mondiale, souvent l'unique cadeau de Noël dans les familles pauvres; des pommes, poires, raisins blancs (représentant la vitalité) ou prunes séchées.

Certains produits sont plus liés à une région donnée: calisson à Aix-en-Provence (ce produit existe depuis le 15e siècle, Maestro Martino en donne une recette), fruits confits (dont la tradition remonte au 14e siècle) à Apt ou Carpentras, par exemple pâte de coing, cédrat confit, confitures, melon d'hiver.

La tradition des 13 desserts, qui était uniquement connue et respectée en Provence jusqu'à une date récente, semble devenir un outil de valorisation commerciale de ces produits : on trouve actuellement, dans certains magasins et sur Internet des coffrets 13 desserts.
Kerraaoc
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