Métier d'autrefois: Les Changeurs
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Métier d'autrefois: Les Changeurs
Métier d'autrefois: Les Changeurs
(D’après un article paru en 1867)
A l’origine, établis avec l’autorisation du roi ou du seigneur suzerain sur la terre duquel ils résidaient, les changeurs devaient :
1. recevoir les monnaies anciennes ou dont le cours n’était plus permis ;
2. donner à ceux qui les leur apportaient une valeur prescrite en espèces courantes ;
3. enfin envoyer aux hôtels des monnaies les pièces défectueuses reçues.
Tel fut le premier objet de leur commerce.
Mais on conçoit qu’ils ne durent se borner à ce change de monnaies, peu lucratif en somme, qu’à une époque où le commerce n’était pas très florissant. Dès que les relations commerciales de pays à pays, de nation à nation, devinrent plus fréquentes et plus étendues, le rôle des changeurs se modifia sensiblement.
Un Changeur au XIIIe siècle.
Vitrail de la cathédrale du Mans
(Séré, le Moyen Age et la Renaissance,
tome III). Dessin de Sellier.
Vitrail de la cathédrale du Mans
(Séré, le Moyen Age et la Renaissance,
tome III). Dessin de Sellier.
Au lieu d’apporter des espèces avec eux, les marchands se munirent de simples lettres de change, plus commodes à transporter et qui couraient moins de risques.
Les changeurs devinrent alors de véritables banquiers.
Il va sans dire que bien longtemps avant que l’usage des lettres de change fût très répandu, le prêt à l’intérêt, bien que l’Eglise le défendît toujours, était ouvertement pratiqué ; d’où deux sources de revenu très fructueuses : les opérations de banque et le prêt à intérêt.
Il convient de considérer d’abord ce que furent les changeurs qui payaient une redevance au roi pour avoir le droit d’ouvrir boutique.
On ne peut, à cet égard, remonter à une date très reculée, faute de documents ; mais il est évident que dans la France du Moyen Age, grâce au nombre considérable de monnaies différentes mises en circulation, on dut avoir recours d’assez bonne heure aux changeurs.
Au treizième siècle, le roi concède aux changeurs de Paris le droit d’ouvrir boutique à titre viager et moyennant dix livres de rente.
Ce taux varia peu par la suite.
Du reste, les monnayeurs royaux n’en conservaient pas moins le droit de changer les espèces défectueuses qu’on leur présentait, et sur ce point faisaient une concurrence très sérieuse aux véritables changeurs.
Dans presque toutes les villes, les boutiques des changeurs occupaient un emplacement déterminé.
A Rouen, ils demeuraient dans la rue de la Cornoiserie ; à Paris, en 1304, d’après une ordonnance de Philippe le Bel, ils occupèrent les boutiques du Grand-Pont, du côté de la Grève, entre Saint-Leufroi et la grande arche du pont.
Ce pont n’était plus alors que de bois ; construit d’abord en pierre, la majeure partie en avait été emportée en 1296 par une inondation : on lui donna le nom de pont au Change.
L’autre partie du pont était occupée par des forgerons et des orfèvres.
Ces derniers eurent des querelles avec les changeurs, dont ils usurpaient les privilèges.
Charles le Bel, en 1325, confirma l’ordonnance de Philippe le Bel et défendit d’exercer le change à Paris ailleurs que sur le Grand-Pont, sous peine de confiscation des choses échangées ; et, pour assurer l’exécution de ce règlement, il décida que les changeurs qui, par leurs délations, donneraient lieu aux confiscations, en auraient la cinquième partie.
Charles VII, renouvelant les prescriptions de ses prédécesseurs, établit à perpétuité les changeurs sur le pont au Change.
« Mais, dit Sauval, on ne vit plus sur le pont que des chapeliers et des faiseurs de poupées.
Le Parlement s’en prit à la suppression de la Pragmatique, et, dans les remontrances faites au roi en 1461, prétendit que la Pragmatique sanction avoit ruiné les changeurs, qui gagnoient beaucoup auparavant à donner de l’or pour de la monnoie, à raison que les banquiers de Rome tiroient alors tant d’or et d’argent du royaume et qu’il n’y avoit plus besoin de changeurs. »
Sauval fait erreur : les changeurs donnaient plus souvent de la monnaie pour de l’or que de l’or pour de la monnaie ; en tout cas, la remontrance du Parlement semblait assez peu fondée, car le commerce des changeurs ne se bornait pas à ce seul change d’espèces.
Sous François Ier et Henri II, les changeurs avaient repris possession de leurs boutiques.
A partir de cette époque, le commerce des changeurs ne semble pas avoir été très prospère.
En 1609, il n’y en avait plus qu’un ; la confrérie, qui avait son siège à la chapelle Saint-Leufroi, fut dissoute, et le Parlement, à la requête des administrateurs temporels de l’Hôtel-Dieu, décida que les ornements de l’autel (une croix, un calice, des burettes, une paix, un encensoir, le tout en argent doré) seraient donnés à l’église de l’hôpital de la Santé, que l’on construisait à ce moment en dehors de la porte du Temple.
Depuis lors, les changeurs paraissent avoir cessé d’exister en tant que confrérie et corporation.
C’est surtout par les foires de Champagne et du midi de la France, ces immenses marchés auxquels on venait de tous les points de l’Europe, grâce aussi à l’impulsion donnée au commerce par le mouvement des croisades, que le trafic des changeurs avait pris de l’extension au Moyen Age.
Les changeurs des foires de Champagne, choisis par les gardes des foires, avaient un caractère officiel.
C’étaient, du reste, assez souvent de grands personnages, qui par là jouissaient de privilèges importants : l’exemption du service militaire personnel, par exemple. Ils demeuraient dans les villes où se tenaient les foires : Troyes, Provins, Lagny et Bar-sur-Aube.
Le mobilier des boutiques de changeurs se composait d’une table couverte d’un tapis, d’un banc, de balances, de livres de comptes.
Ce matériel suffisait à toutes leurs opérations.
« Toutes les compagnies et changeurs desdites foires, dit une ordonnance de 1349, seront en leurs changes et lieux apparens et auront tapis à leurs fenestres ou estaux, en la manière qui souloit estre faite anciennement. »
Le commerce des changeurs aux foires fut une source de revenus pour les comtes de Champagne d’abord, plus tard pour les rois de France, qui autorisaient la création des offices.
Quelques changeurs devaient même payer des rentes à certains établissements religieux.
Dès la fin du XIIe siècle, on voit un comte de Champagne donner à l’Hôtel-Dieu de Provins un revenu de cinq sous à percevoir sur chaque table de changeur.
Du reste, on paraît s’être assez peu inquiété de la moralité des gens auxquels on confiait ces offices, car on les voit assez fréquemment accusés de fabriquer de la fausse monnaie, ou bien en fuite, poursuivis par des créanciers trop confiants.
Le souverain percevait un droit sur chaque livre de change en or.
Ce droit, fixé à un denier par Philippe le Bel, varia beaucoup et fut souvent bien plus considérable.
Nous avons dit que les changeurs des foires devaient résider dans les villes où elles avaient lieu ; il y avait cependant des exceptions.
En 1154, le comte de Champagne Henri le Large défendit à tous les changeurs venant de Lagny à l’époque des foires d’y demeurer plus de dix jours.
Plus d’un siècle après, dans la même ville, les changeurs reçurent des statuts qui fixaient le nombre de leur étaux à six ; mais ce nombre pouvait être augmenté suivant les besoins, et il est probable qu’il le fut.
On décida que les changeurs pourraient avoir des commis et se faire remplacer comme bon leur semblerait, et auraient en outre la faculté de louer leur étal pour tout ou pour partie.
La table d’un changeur constituait donc une propriété que l’on pouvait aliéner librement, pourvu que l’on payât une rente au seigneur qui l’avait concédée.
Source: http://www.france-pittoresque.com
Kerraaoc- Ancien Membre de l'Ordre
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